"Une prière pour les libres dans l'âme gardés en cage". T. Williams

HISTOIRE ▬Le monde aurait pu se déplier avec douceur, simple, sans histoire particulière. Les aurores frissonneraient à la grâce d'Hélios, les crépuscules se seraient penchés sur les enfants d'Eve, accueillant leurs sommeils paisibles dans une légèreté d'ange. Mais il n'en fut pas ainsi. Mais il n'en sera jamais ainsi.

Pauvres mais dignes, la famille Lovell vivait comme elle pouvait, scellée au quotidien des paysans du XIXème siècle. Beaucoup d'amour, peu de revenus, un labeur incessant mais les écuelles pleines. Pieds nus l'été, riant aux moissons et aux tablées de fête, Sarah, leur fille unique, aurait pu aller loin à l'horizon d'une humble paix.
 

« Maman...Maman… » Ça sonnait fort, trop fort dans sa petite tête. Elle, endormie, se reposait, figée à une éternité sans retour. Plus jamais elle ne chanterait, plus jamais elle ne câlinerait, plus jamais elle…

Dix ans à peine et déjà l'âme vieille engluée du trépas d'un monde.

Mais la destinée s'arrogea le sordide pouvoir de curer un cœur sans défense. La mère à peine refroidie, ce fut au tour du père de tomber gravement malade. Il s'en alla, atteint de la même mauvaise toux, de la même agonie fiévreuse. Fracassée d'un chagrin inhumain, la brunette insista pour aider à laver le corps, à l'habiller. Elle n'avait plus personne devant, alors autant prendre sa part, affronter l'œuvre de la grande faucheuse, la regarder en face, sans filtre et sans peur. Se montrer dure au supplice mutique qu'elle subissait, abandonnée et désertée en plein vol. Ne pas sombrer dans une désespérance sordide, s'accrocher comme une damnée à l'instinct de survie.

Elle n'était pas si froide que ça la peau lavée, elle sentait bon la violette sauvage du bois d'à côté.

Il y eut quelques jours de flottement, et puis une autre famille s'installa dans la cahute. La misère s'exprima sans état d'âme ni compassion, on ne la chassa pas mais on l'ignora avec brio. Une bouche de plus à nourrir...Du haut de son enfance dévastée, elle comprit bien vite qu'elle était de trop. Un caillou dans un sabot.

Insupportable.

Alors, un matin de semailles, elle s'enfuit, le cœur au galop.


« Père ! » Le cri jaillit dans la nuit. L'homme se retourna vivement et se baissa juste à temps avant que sa lame ne transperce l'ennemi. Des heures que les villageois combattaient ces suppôts de Satan, des millénaires de souffrances où le règne des abysses les vaincra tous. Pitoyables pantins d'un pouvoir bien trop immense. Mais il était bon de se rebeller, de s'accrocher au désespoir d'un espoir perdu d'avance.

L'aube glauque et vile se reflétait lascivement sur les cadavres. La terre, imbibée de sueur et de vermeil gras et froid, soufflait un bref répit. La Terreur massacrait, scandant son hymne infernal à une tourmente tyrannique et sans miséricorde.
Chal Barden était vivant, réchappé, immuable à se rebeller. Le vieux bonhomme se tenait debout, une épée trop lourde au creux de la main, le visage impassible quoique épuisé. Il lui sourit sans sourire, empreint de cette force incommensurable qui l'avait sauvée autrefois.

Au pire de la bataille, le terme affectueux, audacieux, s'était échappé, conjurant la mort. Sarah ne disait jamais comment elle l'aimait. Cela était, cela se suffisait, cela se taisait. Une complicité sans égal, puisée à la source de toutes ces années où il avait pris soin d'elle, recueillant l'orpheline errante, l'instruisant de tout ce qu'il pouvait, lui dévoilant certains savoirs de sorcières.


Révolutionnaire: l'hurlement silencieux, l'ovation d'une clameur mutique. Du sang, des larmes, vivre ou crever mais crever libre. Au bord de la nausée, s'élever contre l'oppression, se révolter contre le totalitarisme du Diable. Une guerre sordide mêlée et entremêlée d'entraide, d'abnégation, de plaies et d'abysses ténébreuses. Une exigence de dignité, l'espérance insolente, coûte que coûte.

«A la haine victorieuse, j'irai curer vos âmes démoniaques et à la fin, ô Seigneur, à la fin, le glaive des Anges dépècera vos os sataniques».


Elle rentrait au camp parisien cette nuit-là. Un peu trop tard, un peu trop loin.
La vampire lui tomba dessus comme une nuée de chacals. Impuissante à se défendre, frappée vicieusement jusqu'à l'inconscience, Lady Agnès l'emporta dans les airs, au fond de son antre.
Aux tréfonds d'un mausolée sans lumière.

Pandémonium
Enchaînée
Torturée

Welcome to her dark kingdom
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