Une journée radieuse, ensoleillée avec une douce brise juste pour éviter d’avoir trop chaud. On pourrait croire qu’après six cent ans, elle se contenterait de se la couler douce et de se laisser servir par ses soeurs, son coven. Le hic c’est que ses « soeurs », sont plutôt du genre à s’éparpiller et à beaucoup se déplacer. Étant la plus âgée d’entre elles, Arsiliann est de loin celle qui a le plus voyagé. Elle a même traversé l’Atlantique pour apprendre de nouvelles choses durant presque un siècle. Elle est revenue avec un bagage de nouvelles connaissances, ou plutôt une nouvelle vision de son savoir. Et également un dégoût rehaussé pour les démons. Mais tout ça n’a jamais été une raison pour déléguer le travail à d’autres.
Arsiliann avait donc passé la journée à la cueillette. Des baies de sureau, en majorité, mais elle a trouvé également quelques champignons et autres plantes nécessaires à la fabrication de remèdes en tout genre. Un lièvre pend également à sa ceinture. Elle a respectueusement remercié l’esprit du lièvre lorsqu’elle l’a retiré du collet qu’elle avait elle-même posé plus tôt dans la matinée. Un repas pour Gust, Sgàile et elle-même. Évidemment, ils auraient les plus gros morceaux. C’est d’ailleurs Gust qui a signalé le lièvre. C’est pas non plus comme s’il y avait une tonne de viande sur un lièvre. Un partage équitable. Voilà. Prendre ce dont elle a besoin. Une règle naturelle aussi vieille que le monde.
Il est temps de rentrer, parce que si sa sortie en forêt tire à sa fin, son travail n’est pas encore terminé. Il faut faire cuire ce lièvre et apprêter la cueillette du jour, autrement, tout ce qui a été prélevé sera perdu. Et Arsiliann n’apprécie pas vraiment le gaspillage. Pas du tout, même. Chargée de son gros panier, elle revient tranquillement vers la masure, dissimulée dans la forêt. Elle évite généralement les routes et les sentiers, bien que ce soit généralement plus facile pour circuler. Alors bien sûr, lorsqu’elle retrouve une femme dans son champs de vision, elle est plutôt surprise. D’autant plus que cette femme ne semble pas particulièrement vêtue pour marcher en forêt. Du moins pas hors des sentiers battus et généralement pavés… et Arsiliann dirait même que cette femme semble plus habituée à parcourir les routes dans un carosse… du moins si elle se fie à sa tenue. Pas du tout adapté à la forêt… et avec la nuit qui tombe… enfin, il fait encore clair, mais plus pour longtemps.
En théorie, Arsiliann aurait disparu du champs de vision de la femme. Mais elle n’est certes pas vêtue pour passer la nuit en forêt. Elle ne porte pas grand chose qui puisse la tenir au chaud… à moins de marcher toute la nuit… ce qui n’est pas nécessairement une bonne idée si on est hors des sentiers. Elle risque surtout de se prendre les pieds dans des branches et de se blesser. Et accessoirement déchirer sa robe qui est, de toute évidence, très luxueuse. Rien à voir avec la robe de laine rude d’Arsiliann et de sa cape de feutre grossier. Et comme la dame se dirige dans sa direction, elle reste immobile, jusqu’à ce qu’elle la rejoigne. Peut-être est-ce le sourire qui la rassure ? Ou peut-être parce que celle-ci n’est pas du tout dans son environnement.
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Vous êtes perdues ? demande-t-elle en appuyant son panier sur sa hanche pour libérer sa main gauche. Elle jette un coup d’oeil vers le soleil qui descend, lentement, mais sûrement.
Vous êtes seule ? demande-t-elle avec suspicion.
Où comptez-vous passer la nuit ?D’excellentes questions. Elle attend d’excellentes réponses.