(terminé) /!\ +18 [Drusilla & Gearalt] It's beyond my control

It's beyond my control

Drusilla & Gearalt

On avait beau encenser l'héritage romain jusqu'aux bancs usés des universités parisiennes, les pavés qui recouvraient les routes anglaises étaient un calvaire. Malgré la qualité supérieure du fiacre qui l'avait réceptionnée au port, la Reine arquait un sourcil face aux cahots inconfortables qui faisaient tressauter son imposante poitrine. Elle songea un instant à faire resusciter l'urbaniste antique qui les avait conçus pour lui imposer la lapidation mais se réconforta à la pensée réjouissante de tenir ses héritiers éloignés pour responsables.

La voix nasillarde de son cocher la tira de ses pensées pour lui annoncer leur entrée dans le domaine de Whitehall. Elle se redressa, lissa les pans de sa robe de la main et remit un peu d'ordre à sa coiffure, négligée par la longue route qu'elle avait effectuée. Elle aurait pu puiser dans son énergie mortuaire et simplement choisir d'apparaître chez son époux. Cependant, elle préférait disposer de toutes ses forces à lui. Ainsi, elle avait effectué la route de Paris à Londres en fiacre et s'était offert, sur le chemin, une contemplation muette de toutes les potences de Normandie.

Elle aurait adoré partager cette romantique escapade avec son époux si leurs relations n'avaient pas été si compliquées. Le fiacre s'arrêta alors qu'elle se remémorait avec émotion les ravages verdâtres du temps sur le visage grêlé d'un pendu de St-Lô.

Elle avait souhaité une arrivée discrète, aussi, elle glissa une généreuse solde au cocher avant de se fondre dans le palais, sans plus de cérémonie. Très vite, elle sentit quelle était la chambre qu'avait prévu d'occuper son époux le soir même. Elle y monta sans un bruit et ne fut pas surprise d'y trouver une belle esclave brune, agenouillée devant la porte.

En silence, elle l'observa quelques secondes. Elle était honnêtement superbe de peur et de froid. Ses lourdes boucles brunes rappelaient les siennes, de même que la pâleur aveuglante de sa peau.

"Ton maître a-t-il prévu de t'utiliser ce soir ?" demanda d'une voix neutre.

La jeune humaine hocha la tête, tout en présentant à sa souveraine son matricule. Drusilla ne prit même pas la peine de le lire, se fichant bien de l'origine des réceptacles à semence de son époux. Elle referma la porte d'un air sournois et releva le menton de la jeune esclave de deux doigts froids.

"Ma jolie, quel est ton prénom ?"

Elle répondit qu'elle se nommais Blanche d'une voix si ténue, que la démone esquissa un sourire. Ce sourire s'amplifia largement lorsque, quelques minutes plus tard, elle imagina la réaction de son époux lorsqu'il trouverait clouée sur la porte, comme un trophée de chasse, la tête décapitée de la jolie Blanche.

   

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Depuis qu’il avait acquis sa véritable nature, il lui était progressivement apparu que son alter-ego et lui ne possédaient pas exactement les mêmes pouvoirs. Du moins, ils ne les employaient pas de la même manière. Ainsi, il était en train de rédiger une missive lorsque le Roi Gearalt sentit… Quelque chose. Un fourmillement léger, là où se situait ce qu’il lui restait de coeur. Durant de nombreuses décennies, il s’était interrogé sur la signification de cette sensation, jusqu’à ce qu’il découvre avec humeur que cela ne se produisait que lorsque son épouse était à proximité. Son instinct, à ce sujet, ne le trompait jamais.
La discrétion de Drusilla le fit hausser un sourcil. Posément, il posa la plume qu’il tenait entre ses doigts et quitta la pièce.

Le souverain n’accorda pas même un regard aux esclaves et domestiques qu’il croisa. Tant qu’il n’avait aucune raison de les châtier, et ce même s’il parvenait toujours à en trouver une, ils ne l’intéressaient pas. Rien n’aurait su le détourner de sa curiosité au sujet de la présence de son épouse en son domaine. Naturellement, ses pas le guidèrent vers la souveraine.
Habituellement, de son imposante poitrine à ses écarts d’humeur titanesques, rien au sujet de Drusilla n’était discret.

La tête humaine désormais clouée sur sa porte en était une preuve additionnelle. Encore une fois, le démon haussa un sourcil. La chose était pourtant jolie. Il ne se souvenait pas de ses traits, mais ce n’était généralement pas ce qui l’intéressait lorsqu’il portait son attention sur une esclave. Il se souvint, vaguement, avoir dans la matinée ordonné à l’un des démons qui habitaient le château de lui faire porter une distraction dans cette chambre-ci. Brièvement, il se demanda ce que Drusilla avait bien pu faire du corps. Ce dernier était dénué de sa tête, soit. Mais sa croupe et sa poitrine, elles, devaient bien être intactes.

L’ombre d’un sourire narquois sur les lèvres, Gearalt s’avança sans une pensée de plus pour la chose qui ornait sa porte et pénétra dans la pièce, pour tomber nez à nez avec son épouse. Il adressa à celle-ci un regard sombre, avant de leur garantir une certaine intimité en refermant la porte derrière lui. Déjà, et puisqu’elle était là, il se sentait plus fort. C’était, hélas, un autre constat qu’il avait pu faire au cours des siècles de sa démoniaque existence : séparé de l’autre face du diable, il n’était pas aussi puissant.

- Madame, vous voici bien loin de la France. Vous seriez-vous égarée ? l’interrogea-t-il avec calme tout en avançant pour mieux réduire l’espace qui les séparait.

   

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Drusilla aurait pu dénombrer, un à un, les pas que son royal époux faisait jusqu'à elle. Elle sentait qu'il se rapprochait d'elle. Tout son corps se nouait autour du manque physique et visuel que son absence lui causait depuis des mois. Lorsque la porte s'ouvrit, elle l'accueillit d'un large sourire.

Elle était assise sur le lit, les jambes croisées comme une adolescente dans une clairière. Autour d'elle, la décoration de la chambre semblait avoir été repensée. Les toiles de nu féminin avaient été lacérées par ce qui semblait être d'imposantes griffes. Dans un coin, le corps décapité de l'esclave, tenait une posture de statue grecque et en faisait office. Les fers qui ornaient encore ses poignets et chevilles brillaient à la lumière des candélabres. C'était très beau, presque raphaélite.

La beauté funèbre de la souveraine se mariait avec un charme étrange au reste de la pièce. Elle leva lentement le visage pour lui répondre :

"Cela fait bien des siècles que je me suis égarée, mon ami."

Face à la réunion des deux facettes du Diable, les flammes des candélabres avaient gagné en intensité. L'éclairage faisait luire d'une étrange intensité la flaque de sang qui se glissait sous le lit comme un tapis funèbre.

Elle l'observa et fut frappée de l'attraction profonde qu'il exerçait sur elle. Elle sentait sa force augmenter de seconde en seconde grâce à l'odeur du sang et la simple présence de son époux.

Du menton, elle désigna la statue mortuaire qui occupait un coin de la pièce.

"Je vous ai connu avec plus de goût. Les trois mots  qu'elle m'a dits ont suffi à lui faire perdre la tête. C'est une nouvelle lubie, la diarrhée verbale ?" questionna-t-elle d'un air moqueur.
   

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Alors que pas même un mètre les séparait, Gearalt se détourna pour mieux se diriger vers les tableaux. Quelques minutes plus tôt, ils représentaient des nus féminins. Il les trouvait plus beaux encore désormais, par l’empreinte de son épouse.
Absorbé par sa contemplation muette, il ne s’en détacha que pour adresser un regard à Drusilla lorsque celle-ci répondit à son commentaire. Autrefois, il aurait été menaçant. Ce soir-là, le souverain parut amusé par cette réplique. D’un air entendu, il acquiesça avec lenteur, avant de se détourner une fois de plus de la vision trop tentante et dangereuse qu’était celle de son épouse, sur son lit.

Le cadavre ainsi agencé suffit à faire monter sa température corporelle de quelques degrés. C’était un superbe spectacle. Presque émouvant. Du bout des doigts, il caressa le fer des entraves de l’esclave. Il songea à monnayer les services d’une sorcière pour préserver ce corps sans vie de la putréfaction, et garder cette œuvre en tant que souvenir. De Drusilla, de cette soirée de réunion.

A sa question, il eut un sourire franc, quoique trop large pour être rassurant.

- Je ne l’ai pas choisie. Je lui ai encore moins adressé la parole, quelle curieuse idée.

Finalement, il franchit l’espace qui les séparait. Il baissa sur elle des yeux assombris par le regain de puissance qu’il sentait auprès d’elle. Avec une lenteur calculée, il leva la main pour mieux la poser sur l’une des joues pâles de Drusilla. Le bout de son pouce dessina le contour de la lèvre inférieure de la souveraine avant de reposer sur son menton pour mieux lui faire relever la tête vers lui.

- Grâce à vous, je suis préservé de sa diarrhée verbale, murmura-t-il, frappé par la beauté époustouflante de sa femme.

Il voulut faire couler son sang. La violence de ses pensées le frappa, mais il la contint et préféra prendre une longue inspiration qui lui permit de s’enivrer un peu plus du parfum et de la présence de son épouse. Avec une certaine rigidité, il baissa la main et recula d’un pas, pour mieux croiser son regard. Les flammes des candélabres perdirent en intensité, sous son impulsion. La beauté de Drusilla était bien mieux mise en valeur dans les ombres.

Après quelques instants d’un silence contemplatif, il l’interrogea :

- Que me vaut cette visite, mon amie ? Repenser la décoration des murs de ma chambre n’était certainement pas votre but premier en vous rendant ici.

   

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Il s'approchait d'elle comme une bête fauve. Elle entendait le bourdonnement sourd du sang de Gearalt coulait dans chacune de ses veines. Le rythme de son coeur lui fit se mordre lentement la lèvre. Une partie d'elle voulait, terriblement, qu'il se retrouve en elle. Elle repoussa loin d'elle ce besoin charnel pour savourer de façon presque masochiste le manque de lui.

Le contact de son pouce sur sa peau lui fit fermer les yeux. Il leur était impossible de vivre l'un avec l'autre depuis quelques siècles ; pour autant, elle vivait sa solitude comme une torture atroce et délicieuse. Elle inspira profondément lorsqu'il recula quelque peu.

"L'ennui, mon ami, l'ennui. Paris est d'un fade en ce moment. J'ai réussi à mater tous les désirs de révolte du bas-peuple. L'Opéra est la vaste salle de jeux d'Azazel et le marché aux esclaves attend ses prochains arrivages... Même les exécutions ne m'amusent plus, c'est dire. J'ai pourtant essayé d'innover." répondit-elle en s'allongeant.

Elle avait effectivement innové. La place royale était toujours recouverte des membres sanguinolents des victimes. Elle avait, saisie par l'ennui, révolutionné l'écartèlement. Cela mobilisait cinq condamnés. On attachait les membres du supplicié aux quatre autres. Le dernier à réussir l'arrachement était le prochain supplicié. Cela fut distrayant, les huit premières heures. Après, Drusilla s'était lassée comme elle se lassait de chaque chose.

Allongée, lasse et sensuelle, elle observait en silence le démon qui terrorisait l'Angleterre. Elle aurait aimé être l'une de ses victimes et connaître, au creux de sa chair, ce qu'était la sensation de mourir par sa main. Elle, elle lui avait offert cette expérience merveilleuse. Elle avait eu cette générosité là.

" Vous savez ce que cela veut dire, n'est-ce pas ? Je compte établir les prochains Jeux Cruels pour le printemps. Et j'ai décidé de venir inviter le souverain ennemi en personne."




   

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A la mention des innovations de Drusilla, le souverain eut l’occasion de voir, tel un souvenir, ce à quoi elle faisait référence. Il saluait l’idée. La trouvait ingénieuse, même. Son épouse n’avait pas son pareil dans l’art de tourmenter les suppliciés.
En même temps que ce souvenir qui ne lui appartenait, Gearalt perçut dans l’esprit de son alter ego l’ennui dont elle se plaignait. Il le comprenait bien aisément, lui-même souffrait du même supplice.

Comme il fallait s’y attendre, il ne tarda pas à froncer les sourcils. La mention de leur fils l’agaça. Depuis que leur héritier était né, le démon était assailli par l’impression que son épouse les considérait, elle et lui, différemment. Comme si la naissance de ce rejeton tant attendu changeait la saveur du couple qu’ils formaient. C’était là la première raison qui valait à leur aîné l’agacement de son père.

- Azazel ferait mieux de s’impliquer dans les affaires du royaume plutôt que de passer son temps à jouer, s’indigna-t-il d’une voix dont les basses firent trembler les murs et fenêtres de la chambre.

Il ne comprenait pas l’affection qu’elle vouait à leur héritier. Certes, ils l’avaient désiré. Ardemment. C’était pour le concevoir qu’ils étaient devenus ce qui les faisait régner en ces jours. Pour autant, Gearalt le trouvait bien ingrat. L’intérêt de Drusilla pour le corps d’Azazel n’était pas pour arranger son ressentiment.

Soudainement, il se remémora la nuit où, grâce à elle, il avait changé d’espèce. La nuit où elle l’avait occis. Il n’appréciait pas les souvenirs qu’il conservait du début de cette nuit-là. Pour cette raison, et puisque c’était la seule manière de justifier ces pensées fugaces, il la soupçonna d’y repenser, elle aussi. De nouveau, il fut saisi par l’envie brute de faire couler son sang pour mieux en savourer la chaleur.

Il faillit bien agir selon cet instinct lorsqu’elle le désigna en tant qu’ennemi. Aussitôt, ses muscles se tendirent. Il parut plus grand, soudainement. Plus imposé. Son ombre même s’était allongée pour mieux surplomber celle de Drusilla, contre le mur à leur droite.

Pour autant, il s’imposa de rester stoïque. Sa posture se détendit soudainement. Un rire moqueur se fit audible derrière ses lèvres closes.

- Il fut un temps où vous trouviez de meilleurs prétextes pour rechercher ma présence, lui glissa-t-il avec orgueil.

Il n’attendit pas de réponse et s’avança pour s’asseoir sur le bord du lit où elle s’était allongée, en incarnation de la tentation. Gearalt posa une main possessive sur la cuisse de son épouse.

- J’accepte votre invitation. Espérons qu’ils seront distrayants, cette année.

   

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Comme à son habitude, Gearalt se raidit à la mention de son fils aîné. Elle le regarda prendre une ampleur effrayante et savoura en silence l'humidité chaude qui envahit son bas-ventre. Il semblait prêt à fondre sur elle pour dévorer ses entrailles. Elle l'imagina un instant sous la forme d'un loup trismégiste, tout crocs dehors. Splendide vision.  D'un air détaché, elle prit la défense de son fils, inlassablement :

"Faisons-nous autre chose que jouer, mon amour, lorsque nous nous occupons pompeusement des affaires du Royaume ? N'en voulez pas à votre fils de ne pas partager nos jeux. Il s'est entiché d'une chanteuse d'opéra. Je l'ai vu dans ses rêves. Cela l'occupe. Il faut que jeunesse se fasse."

En signe d'apaisement, elle posa sa main sur celle de son époux. Elle n'était pas d'humeur à l'entendre grogner sur leur fils plus longtemps. Gearalt ne bénéficiait pas de la sensibilité artistique nécessaire à saisir la poésie lugubre qui menait l'existence d'Azazel. Elle, si. Son fils n'était rien d'autre qu'un personnage de roman. Un personnage de roman amoureux d'une chanteuse d'opéra. À cette pensée, un dessein cruel et terrible lui traversa l'esprit. Elle sourit sombrement avant d'ajouter, tout bas :

"La ballerine vous plairait, je crois."

Comme pour écarter toute méfiance quant à ce commentaire visant à faire de la préoccupation de son fils une cible pour son époux, elle se glissa vers son époux, posant son visage sur sa cuisse. Ainsi posée, elle se décida à lui dire des mots d'amour.

Comme pour bien des choses, les démons n'ont pas la même sensibilité concernant le discours amoureux. Aussi, la teneur des propos d'amante amoureuse que serait toujours Drusilla aurait pu surprendre une oreille indiscrète.

"Ils vous plairont, croyez moi. Je vous ai prévu des douceurs que seul vous saurez apprécié. Le thème de cette année est "La famille". Vous allez adorer notre jeu de quilles... Pour rendre cela plus sympathique encore, je songeais à nous concocter une petite épidémie du côté du public. J'aurais envisagé une variante de la peste qui puisse impacter vampires et sorcières... Mais Cassiopeia est par cent fois trop susceptible pour accepter cela et Rán est d'humeur morose depuis qu'une de ses esclaves favorites est morte sous ses coups. Elle est trop sentimentale. Je songeais plutôt à une infection que je glisserai dans l'eau."

Elle étudia une petite pause volontaire pour tenir son époux en haleine. Un sourire enfantin aux lèvres, elle reprit.

"Cela les ferait se vider aussitôt. Tout le contenu de leurs intestins y passeraient. Puis le sang. Ils sont alors saisis d'une soif irrépressible. Alors, les vomissements arrivent. Et là c'est terrible. Ils boivent, donc vomissent. Et ne peuvent pas se réhydrater. En trois jours, ils meurent de déshydratation totale. Je pense appeler cela le choléra."



   

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L’air détaché que prit Drusilla pour lui répondre au sujet de leur fils le rendit méfiant. Son épouse dissimulait toujours derrière ce ton les informations qui lui importaient. Ainsi, à la mention d’un sujet d’affection de leur fils, il haussa un sourcil. Son expression redevint plus neutre lorsque, l’air de rien, elle accentua la conversation sur la chanteuse. Derrière cette précision, Gearalt devinait une pointe de jalousie qui, contre toute attente, l’amusa.
Il était en train de songer à alimenter le désir et l’envie de son héritier au sujet de cette jeune ballerine lorsque Drusilla parvint à le distraire de ses pensées.

Sa main, devenue rugueuse à force de manier l’épée, s’insinua jusque sous la chevelure épaisse et sombre de son épouse. Là, il encercla la nuque de ses doigts puissants, en massa la naissance avec une délicatesse qui lui était rare.
Attentivement, il l’écouta. Il suspendit son massage lorsqu’elle marqua une pause, le reprit lorsqu’elle continua. Sur la fin, sa poitrine se souleva une fois pour un rire bref et silencieux. L’approbation rendit sa voix plus chaude lorsqu’il s’exprima à la suite de ses explications :

- Votre imagination ne connaît aucune limite, Madame.

Gearalt n’était, pour sa part, que peu friand des épidémies et infections. Du moins, il aimait en observer le résultat, mais laissait volontiers leur création à la souveraine. Il les trouvait trop imprévisibles, trop mystérieuses. Il leur préférait la franche brutalité des affrontements armés, des combats de rue et d’arène où seule la violence instinctive des êtres les réduisait à l’état de bêtes. L’humiliation des perdants n’en était que plus jouissive, selon lui.
Pour autant, ce que prévoyait sa royale épouse lui semblait suffisamment distrayant. En plus de cette infection, il alimenterait dans le cœur des hommes un effet de panique qui les mènerait plus encore à leur perte. Il les imaginait déjà, tous ces humains spectateurs. Affolés les jours suivants par ces symptômes, s’entre-tuant pour l’éventualité d’accéder à plus de confort, plus de sûreté dans les castes et habitations des uns ou des autres… Un délicieux chaos qu’il faudrait mater. Et tout cela, en France.
Un soupir faillit bien franchir ses lèvres. Comme il s’ennuyait, en Angleterre. Ses seules sources de distraction lui venaient des humains rebelles qui se terraient au fin fond de son territoire, là où les terres étaient trop sauvages et tuaient avant même son intervention la grande majorité des prétendus révolutionnaires.

- La famille, donc. Quelle merveilleuse valeur que celle-ci, reprit-il d’un air narquois.

Soudainement, il interrompit ses caresses. Sa main descendit, plus bas, le long de son épaule, jusqu’à emprunter un autre chemin et venir saisir, à travers le vêtement, un sein.

   

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En l'entendant louer son inventivité, elle sourit. Ils étaient sur ce point bien complémentaires. Il avait le sens du spectacle et une barbarie stimulante lorsqu'elle avait une cruauté vicieuse et une originalité glaçante. Le diable se cachait dans les détails et c'était là le talent de Drusilla.

Elle sentit, à l'intensité grandissante de son débit sanguin, que l'invention du choléra l'avait ému. Gearalt, au fond, ne changeait pas. Elle savait toujours comment séduire le grand sentimental qu'il était resté. Comme pour confirmer son intuition, il glissa une main jusqu'à sa poitrine.

Il semblait que son sein avait été modelé pour venir épouser à la perfection le contours libidineux de ses doigts rudes. Ce constat l'emplit de satisfaction. Ils se complétaient l'un l'autre sur bien des aspects. Avec une langueur silencieuse, elle baissa l'épaule soyeuse de sa robe, dénudant ainsi totalement le sein qu'il caressait avec propriété.

"Je me disais que nous pourrions réclamer le tribut d'une famille entière par région d'Angleterre, qu'en dites-vous mon amour ? Ce serait après tout un juste châtiment après les sursauts révolutionnaires que vous connaissez encore" exposa-t-elle tout en dénudant sa deuxième épaule.

Son second sein apparut. L'air de la pièce sembla se rafraîchir ce qui durcit la pointe orgueilleuse de ses mamelons. Elle feignait de ne pas remarquer du tout le spectacle qu'elle exposait aux yeux de son époux. Les siècles n'avaient jamais atteint le désir qu'ils éprouvaient toujours l'un pour l'autre.  Il était même la base de leurs conflits et de leurs retrouvailles. Que de fronts de batailles n'avaient-ils pas causés comme préliminaires...

"Il faut que je trouve un moyen de forcer les mères à égorger leurs propres enfants... Cela serait un spectacle adorable, tu ne crois pas ? Azazel lui-même ne saurait pas rester insensible à une telle beauté" souffla-t-elle d'une voix plus basse, presque caverneuse.

Elle leva vers lui un visage où se lisait un mélange surprenant de folie et de mélancolie. Elle l'aurait tué lui si cela avait pu lui empêché l'ennui. Elle l'avait déjà fait, après tout. Et cela avait été l'instant le plus divertissant et sensuel de son existence.


   

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Comme s’ils avaient toujours adopté cette positon, les deux souverains se retrouvèrent soudainement contre la tête de lit, Drusilla emportée contre Gearalt, lui-même adossé au bois sculpté. Il la garda contre lui, allongée sur le dos. Sa deuxième main rejoignit la première et s’intéressa au deuxième sein révélé le plus naturellement du monde. Il savoura la douceur et le moelleux de cette poitrine généreuse. Ces deux termes ne qualifiaient que trop rarement l’impitoyable démone qu’elle était.

Le tutoiement le fit gronder doucement, en avertissement. L’air même sembla vibrer en même temps que ses cordes vocales. Son menton frôla la tempe de son épouse en une ébauche de caresse. Il reprit la parole d’un ton flegmatique, tout près de son oreille :

- C’est simple, il nous suffira de faire peser la menace d’un châtiment plus terrible. Nos chers vampires nous seront d’une grande assistance, pour ce dessein. Leurs crocs effraient toujours les humains. Et les mères ne se lassent jamais d’épargner leur progéniture, ajouta-t-il avec une pointe d’amertume. Ce sera l’égorgement, ou la lente et douloureuse transformation… En démon ou en vampire.

Leurs deux ombres se fondaient l’une dans l’autre à présent. Celle de Gearalt gagna en épaisseur, se fit plus sinueuse pour mieux étreindre celle de Drusilla. Le démon, lui, resserra sa prise sur elle. Ses doigts pincèrent cruellement les tétons dressés de son épouse.

Soudainement, une autre idée lui vint en tête. Il continua, d’une voix complètement sérieuse :

- Mieux encore. Affamez-les. Promettez-leur un festin, à condition qu’elles égorgent elles-mêmes leur viande. Il n’y a rien de plus tendre que la chair d’enfant, après tout. C’est une grande faveur que nous leur ferions. Il est parfois bon de rappeler au peuple que nous sommes des souverains attentifs et généreux.

Sur ces derniers mots, il planta les ongles de sa main droite jusqu’au sang dans le sein qu’il commençait à tourmenter. Un sourire en coin, trop large, perturbait enfin la tranquillité factice de son expression.

   

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Son diable d'époux eut l'exacte réaction qu'elle attendait après le tutoiement. Au son stimulant de son grognement, elle ronronna, se lovant contre lui avec plus de chaleur qu'elle n'en avait mis jusqu'ici. Elle regarda du coin de l'oeil cette main s'activer sur son sein en même temps qu'elle l'écoutait.

Gearalt avait toujours été un sadique. Avant même leurs noces, elle l'avait senti lorsqu'il avait appris ce qu'elle avait fait subir à sa propre soeur. Ce qui les avait rapprochés c'était, sans doute possible, leur cruauté conjointe. Des siècles plus tard, elle continuait de les lier l'un à l'autre malgré les rancoeurs démoniaques qui les opposaient. Du bout des lèvres, elle répondit :

"Quelle mère accepterait, même affamée, d'égorger son enfant, mon roi ? Tu t'égares à cause de la désapprobation éternelle que tu voues à ton fils aîné."

La douleur qu'il avait fait subir à l'extrémité déjà durcie par le froid de son sein la fit frémir. Elle gloussa de bonheur et d'amusement de l'avoir à nouveau tutoyer avant de relever vers lui un regard plein d'une émotion qu'elle ne se risquerait jamais à nommer.

"L'idée impliquant les vampires est cependant excellente. J'en toucherai deux mots à Cassiopeia la prochaine fois qu'elle nous fera l'auguste honneur de sa présence au Parlement. Je suis aussi excitée par ses Jeux que je ne l'ai été par l'exécution de votre soeur..." confessa-t-elle en le vouvoyant à nouveau.

L'odeur pestilentielle du bûcher semblait avoir envahi la chambre. À quelques lieues, il leur semblait même encore entendre les supplications hurlantes de la jolie rousse. Les flammes rajoutaient à toute chose un aspect festif non négligeable qui s'était quelque peu perdu, depuis la fin du XVIIIème siècle. C'était bien dommage. La guillotine avait son charme, c'était certain. Mais elle restait tout de même bien moins conviviale.

Un sourire enfantin étirait toujours ses belles lèvres capricieuses.

"Si nous avions attendu quelque peu avant de résoudre le problème qu'était devenu votre tendre et chère soeur, j'en aurais fait une goule. Elle aurait fait une excellente goule, vous ne trouvez pas ? Elle en avait déjà les vociférations atroces, sur le bûcher."



   

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Gearalt jeta à sa délicieuse épouse un regard profondément dubitatif lorsqu’elle remit en doute ses suppositions quant aux choix des mères concernant leurs enfants. Bien sûr, elle était mieux placé que lui pour s’avancer, mais en cet instant, il la trouva adorablement sentimentale. Il la haït pour cela.

Fort heureusement pour elle, le souvenir qu’elle ravivait lui était doux. Il n’eut pas besoin de clore les paupières pour revoir, avec une vivacité saisissante, la scène qu’elle évoquait. L’homme qu’il était alors avait trouvé sa sœur désirable, ainsi soumise aux flammes. S’il avait patienté plus longtemps, nul doute que Vitania aurait effectivement subi un autre sort, certainement bien moins enviable.

- Vous vous seriez rapidement lassée, mon amour, répondit-il d’une voix caressante. Elle possédait fort peu de conversation et ses caprices étaient harassants.

Aussi soudainement qu’il s’y était intéressé, il cessa de malmener le sein de Drusilla. Son bras glissa jusqu’à englober la taille de son épouse, qu’il renversa avec souplesse sous lui. La surplombant de son corps, il lui adressa un rictus avant de se redresser pour mieux quitter le lit.
Sa proximité était dangereuse. Pour eux, pour ses terres. Sa diablesse de souveraine trouvait toujours le moyen de l’enflammer, parfois littéralement. Et si l’extase de leur union ne connaissait nulle semblable, la force qui était la leur lorsqu’ils étaient ainsi réunis était phénoménale : de quoi réduire les proies dont ils se nourrissaient à cendres en l’espace de quelques secondes.

Le dos droit, mains dans le dos, il observa son royaume par la fenêtre tout en reprenant d’une voix rendue plus douce par l’amusement :

- Il me tarde de découvrir quel odieux moyen tu trouveras pour tricher, cette fois-ci. Quant à Cassiopeia… j’ai ouï dire qu’elle était d’une humeur infernale – plutôt sanglante, ces jours-ci. Je l’imagine impatiente de déverser un peu de cette fureur sur nos chers sujets.

   

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Ainsi, il se dérobait à elle comme un pleutre. Elle l'observa se diriger vers la croisée, laissant son regard courir sur les muscles qu'elle devinait à travers le tissu. Son ventre se tordit sous le désir de le recevoir en elle. D'humeur sombre, elle grogna et s'assit sur le lit, le dos reposant mollement contre la tête de lit.

"Vous me voyez là bien soulagée qu'elle ait enfin quitté la France. Je la préfère d'humeur sinistre qu'heureuse. Ses précédentes humeurs câlines ont décimé plusieurs couvents de nonnes que je destinais à votre prochaine venue à Paris..." geignit-elle en soupirant.

D'une main discrète, elle remonta sur ses genoux les pans de sa robes. Sa peau pâle semblait presque briller à la lueur des flammes. Sans un regard pour ce monstre qui l'ignorait, elle glissa la main entre ses jambes et caressa son entre-cuisse avec un sourire calme.

"Cela aurait été superbe. Il semblerait que l'une de ses Infantes continue de secouer la Capitale, cela dit. Elle a précipité l'intégralité d'un orphelinat dans la Seine, en pleine nuit... Les histoires de coeur de notre pâle amie sont divertissantes pour nous tous, au moins. " expliqua-t-elle sans que ses tribulations manuelles ne perturbent le calme apparent de sa voix.

Alors, elle se permit un soupir. Un soupir qui sonnait à la fois comme un reproche et comme une invitation. Elle savait qu'il avait déjà conscience de ce qu'elle faisait. Il sentait ce genre de choses à jusqu'à travers la Manche. La voix plus rauque, le ton bas et le robe retroussée sur les genoux et le ventre, elle le fixait désormais.

"Depuis quand n'avez-vous pas sacrifié un orphelinat pour mon bon plaisir, mon amour ? Vous excès sanglants me manquent depuis que nous sommes réconciliés. Puisque nous le sommes, n'est-ce pas ?" demanda-t-elle, provocante.

   

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La mention des amourettes de l'ancestrale vampire lui fit arquer la lèvre supérieure en une expression de dédain à peine dissimulée. Il respectait et estimait leur froide Dame pour la manière dont elle tenait son espèce, mais elle et lui ne s'entendaient pas. Elle le trouvait trop grossier, il la trouvait trop pénible. Sa présence en Angleterre était donc une nouvelle qu'il prenait de manière bien mitigée, mais il devait lui reconnaître le talent de mater efficacement les rébellions... Sauf lorsqu'il s'agissait de ses infants, de toute évidence.

Fort heureusement, Cassiopeia était bien la moindre de ses préoccupations, en cet instant. Son bas-ventre commençait à s'animer d'une énergie nouvelle, directement provoquée par le plaisir que se donnait éhontément Drusilla.
Mâchoire crispée, la lueur de son regard assombrie, il se tourna pour la fixer. Il resta un instant souffle coupé par la vision qui l'accueillait. Sa provocation fit naître, du fond de sa gorge, un nouveau grognement grave et sinistre. Ce fut pourtant d'une voix basse et soyeuse qu'il répondit :

- Le serons-nous véritablement un jour ?

Il approcha. Au bout de quelques pas, il était pieds nus, seulement vêtu de son pantalon et de sa chemise. Il contourna le lit pour mieux se placer sur sa gauche. Aussitôt qu'il fut suffisamment proche, Gearalt tendit le bras pour saisir la gorge de son épouse et l'obliger à approcher brusquement de son corps brûlant.

- Te voilà bien impertinente en présence de ton souverain, la reprit-il avec sévérité.

Les ombres sur lesquelles il s'assurait en permanence de posséder une emprise serpentèrent jusqu'aux poignets de Drusilla, qu'elles écartèrent sous son impulsion. Ainsi, il la privait de ces caresses qu'elle lui dérobait.

Soudainement, au lieu de son air autoritaire, il lui adressa un sourire lubrique. Puis il l'embrassa, ses dents partant immédiatement en quête des capillaires qui habitaient la lèvre supérieure de la démone.

   

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Drusilla & Gearalt

Il existait des milliers de façon d'aimer. L'amour qui liait la femme et son fils, n'était pas le même qui collait la prostituée à son miroir et l'artiste à l'encre. Aussi, Drusilla n'aimait pas son époux comme la plupart des mariées aimaient leur moitié. Elle l'aimait avec la froide brûlure des rancoeurs éternelles.

Et c'était là selon elle la seule façon qui vaille d'être aimé. Elle entendait fermement être aimée ainsi, d'ailleurs.

La question de sa moitié littérale lui tordit la lèvre supérieure dans une moue narquoise et satisfaite.

"J'espère bien que non, mon amour."

Si elle avait encore eu le besoin vital de respirer, elle se serait préoccupée de la force extrême avec laquelle il lui serrait la gorge. Libérée depuis des siècles de ces basses préoccupations humaines, elle se laissa aller à la contemplative observation de sa propre douleur. L'asphyxie était terrible de saveurs diverses. Très vite, les poumons s'enflammaient. Chaque goulée d'air vous semblait une poignée de sable.

Pendant ce temps, avec une lenteur cruelle, vos extrémités paraissaient se vider peu à peu de sang jusqu'à devenir froide. Ce mélange exquis de feu et de glace avait un formidable effet sur la Reine d'Achéron. Un sourire défiant crispait sous sourire dans une moue de souffrance extatique.

"Et vous bien entreprenant devant votre meurtrière..." réussit-elle à souffler alors que les ombres l'immobilisaient.

Le baiser qu'il lui offrit fit, aussitôt, éclater les vitraux qui inondaient jusqu'ici la chambre d'un kaléidoscope de teintes baroques. Les rayons de Lune entrèrent dans la pièce ; léchant les draps sombres avec une avidité presque sensuelle. Ainsi éclairé par la pâleur glaciale de la Lune, Gearalt lui parut plus beau encore. Elle ferma les yeux pour profiter de ce baiser qui les liait enfin l'un à l'autre.

Trop occupé à chercher sous la texture veloutée de ses lèvres les veines qu'il pourrait percer de ses canines, il ne vit pas que la ceinture de soie sombre qui tenait la robe de Drusilla s'était métamorphosée en une vipère noire. La tête triangulaire du reptile venimeux vint dangereusement caresser la main droite du roi.
   

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Le serpent qui se permit de frôler sa main fut une surprise. Gearalt en rompit son baiser pour mieux le voir, intrigué par les actions du reptile. Sans crainte, avec cette fascination malsaine qui le liait à toute affaire nocive, le démon laissa l’animal s’enrouler autour de son poignet et ce jusqu’autour de l’avant-bras.
Alors, il s’en désintéressa. Drusilla était responsable de cette vipère, tout comme lui était responsable du sort de sa charmante épouse. L’idée fugace d’user du serpent pour combler le vide entre les jambes de la souveraine le fit rire sombrement. Il tut aussitôt son hilarité, cependant. Parfois, les femmes étaient d’un susceptible…

Aussi soudainement que les vitraux de la pièce s’étaient éparpillés dans la pièce, il eut envie de la gifler. Elle était sublime lorsque ses joues prenaient la teinte du soleil couchant. Mais on lui avait un jour suggéré qu’il s’agissait d’une approche fort impolie. Alors, dans un soupir, il s’abstint. Pour le moment.

La vipère s’insinua sous le tissu épais de sa chemise aux manches lâches. Gearalt la sentit serpenter, sentit sa langue éveiller l’épiderme de son torse avant qu’elle n’extirpe sa tête triangulaire de sous le vêtement. Elle se dressa, jusqu’à ce que démon et animal paraissent s’affronter du regard. Les yeux du roi étaient devenus d’un noir d’encre, un manque de couleur qui dépassait les limites de l’iris et corrompaient toute la surface de l’œil.

Le diable adressa à son autre moitié ce regard dérangeant. Sa peau elle-même semblait se colorer lentement d’une teinte qui laissait penser qu’un feu éclairait la pièce, ou que du sang recouvrait sa peau. D’une voix rauque, il répliqua :

- Vous m’avez toujours préféré entreprenant, mon amour.

Sans plus accorder d’attention au serpent, Gearalt se redressa lui aussi avant de fondre sur la souveraine. Cette fois-ci, il ne perdit guère plus de temps et rechercha immédiatement la chair tendre de sa lèvre inférieure pour y mordre. Le goût de son sang, une fois qu’il fut libre de le recevoir à même la langue, le fit, selon ses propres termes, bander comme un incube.

Le reste de ses vêtements trop gênants prit feu, les flammes léchant sa peau sans qu’elle n’en paraisse affectée. L’odeur qui accompagna cette action raviva de nombreux souvenirs de bûchers et d’exécutions publiques qui achevèrent d’exciter l’homme impulsif qu’il était.

   

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Alors que le démon fondait sur son épouse comme une bête fauve, le reptile reprit sa lente pérégrination sur son corps désormais nu. La violence de flamme ne sembla pas l'affecter le moins du monde. À peine discernait-on, après un examen consciencieux, la lueur de braise qui ourlait chacune de ses écailles et sa pupille agressive.

Elle s'enroula autour de sa gorge, peu secouée par les ébats démoniaques qui la soulevaient par tressauts lents. Au niveau de la carotide du  démon, elle se stoppa et, semblant se redresser comme en dansant, darda deux crocs venimeux qui vinrent se planter dans sa chair.

Dégageant sa lèvre de la morsure cruelle de son époux, Drusilla murmura, joueuse :

"C'est l'une de mes dernières créations, mon amour. Je l'ai appelée la vipère Lilith, en hommage à notre fille. Son venin est essentiellement constitué d'eau bénite. Je l'ai créée pour torturer les démons et vampires dont nous aurions à rougir. Qu'en dites-vous ?"

La vipère fit ce que sa créatrice attendait d'elle et déversa son venin directement dans la carotide du démon. L'artère fit elle aussi son office et déversa le douloureux liquide dans l'intégralité des veines du Diable. Evidemment, cela ne serait pas suffisant pour tuer un démon ou un vampire suffisamment puissant. Mais cela se révélerait être un outil des plus intéressants pour mater les possibles excès d'humanisme chez leurs semblables.

"Je l'ai conçue très intelligente. Elle sait reconnaître les artères et les zones plus innervées... Fort heureusement, il n'en existe pas dans la nature pour l'instant. Cela pourrait être amusant, cela dit. Certains des nôtres ont tendance à se reposer sur la position que nous leur avons offert. Je songeais à en offrir une à Cassiopeia et à Azazel pour les Jeux Cruels" souffla-t-elle.

La vipère relâcha sa prise et se laissa silencieusement tomber sur les draps alors que les deux petites plaies qu'elle avait laissées absorbaient totalement le regard de la Reine d'Achéron.
   

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Drusilla & Gearalt

La morsure du serpent eut le mérite de restreindre la fougue habituelle de Gearalt. Il n’en fut pas surpris, à vrai dire. Dès l’apparition du reptile, il avait perçu une telle possibilité. Curieux quant à l’imagination de Drusilla, il s’était donc laissé mordre. Les premières explications qu’elle lui fournit le firent étonnamment sourire, de l’un de ses rares sourires francs. C’était là une idée extrêmement ingénieuse, qu’il lui tardait de voir en action sur les Nocturnes les plus réticents à adhérer à leur gouvernement.

Pendant que le venin se déversait doucement dans ses veines, il écouta son épouse vanter les capacités de sa création. Il resta étonnamment impassible alors que déjà, la douleur était saisissante. Paralysante, même.
En tant qu’humain, Gearalt avait une résistance à la douleur particulière. Il l’avait principalement connue des mains de son père et au cours de batailles. Il en avait développé un goût certain pour l’adrénaline et la violence brute, celle qui n’était ni fine, ni subtile et dont le seul but était d’être bruyante et remarquée. Très tôt, donc, la souffrance était un stimulant terriblement efficace.
Et puis, en tant que Diable… Eh bien, c’était par la douleur qu’il était devenu le démon impitoyable qu’il était désormais. Mourir par la main de Drusilla avait été l’épreuve la plus sublime et la plus terrible de son existence. Sa mort avait été physiquement douloureuse, mais trop brève. La souffrance qui accompagnait le souvenir que c’était elle qui l’avait tué, elle… Eh bien, elle leur imposait encore à ce jour l’éloignement. Il la chérissait, pourtant.

De nouveau, son épouse était responsable de son agonie. Il ne l’en aima que plus encore.
Ses veines et artères étaient gonflées, ressortaient sous sa peau tendue et couverte de sueur. Aussitôt, il empoigna avec force le poignet de la démone avant de basculer sur le dos, l’attirant au-dessus de lui dans le même temps. Son érection, elle aussi, était devenue douloureuse. Pour cela, il ne connaissait pas de meilleur remède que l’évidence : le con de Drusilla.
Avec cette même force animée par le supplice infernal qu’était ce liquide envahissant l’intégralité de son corps, il agrippa ses hanches et l’obligea à s’abaisser pour prendre en elle son membre dressé. Ses sens étaient confus, ses pensées peu cohérentes. Pourtant, aussitôt, cette étrange sensation de bien-être et d’agonie fusionnés le fit grogner de plaisir.

- Combien de fois avez-vous expérimenté les effets de votre création en pensant à moi, mon amour ? l’interrogea-t-il d’un air moqueur tout en marquant chaque fin de mot d’un mouvement brusque du bas-ventre.


   

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L'effet qu'eut cette nouvelle création sur son royal époux dépassa encore ses attentes. Elle se laissa soulever pour finalement accueillir en elle le membre qui l'avait déjà besognée mille fois au fil des siècles. De tous ceux qu'elle avait goûtés depuis, pas un n'avait su se fondre en elle avec la même adéquation parfaite. Pas un n'avait su lui faire perdre la raison au point qu'apparaissent, au sommet de son crâne, les deux cornes tordues qui couronnaient sa démoniaque apparence.

Elle poussa un râle profond et sonore alors qu'elle se laissait aller à la poigne de ses mains calleuses. La littérature -que Drusilla connaissait- était pleine de cette image surannée ; éculée par les oeuvres moyennes, que l'acte charnel réunissait les deux moitiés d'un même tout. Pour les êtres humains, cela était faux et d'une banalité affligeante. Le sexe humain se résumait bien souvent à l'emboîtement bancal de deux êtres différents dont la seule ressemblance tenait à un taux de dopamine légèrement en hausse. Les humains étaient entiers en leur singulière forme unique. Ils étaient bas, vils, creux ; mais entiers.

En prenant la place du souverain des Enfers, Drusilla et Gearalt, eux, étaient devenus les deux pans déchirés d'une même entité démoniaque. Ainsi, lorsqu'il se fondait en elle comme le ressac envahit une crique, il comblait ce qu'il manquait de lui en elle et d'elle en lui. Ils se complétaient, réellement.

"À dire vrai, mon amour, pour perfectionner l'efficacité de cette jolie créature, il m'a fallu la tester sur une physionomie qui soit le plus possible similaire à la vôtre..." répondit-elle dans un souffle.

Elle laissa l'idée s'acheminer dans son esprit comme un second poison. Un sourire cruel aux lèvres, elle se pencha sur son corps et du bout de la langue, vint cueillir les gouttes de sang qui s'étaient échappées des plaies. Y collant ensuite sa bouche, elle aspira. Le sang mêlé d'eau bénite, bouillant sur sa langue, envahit son corps.

Bientôt, elle ressentit une douleur presque aussi forte que celle de son époux ; le délestant un peu pour laisser celle, mentale, de ses unions incestueuses le tourmentant plus profondément.
   

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Étonnamment, le démon ressentit immédiatement cette douleur plus vicieuse et cruelle qu’était celle de la tromperie de son épouse en compagnie de leur fils. Les paroles venimeuses de la souveraine eurent le mérite de lui couper le souffle. S’il n’interrompit pas leurs ébats, déjà trop avide de sa chair et de son stupre, il ne daigna pas non plus lui donner la satisfaction d’une réponse immédiate.

Sa souffrance physique commençait à paralyser quelque peu ses membres. Pour sûr, sa raison n’était plus confinée par ses maigres barrières habituelles. Révélant la pointe de ses canines par l’un de ses sourires goguenards, il reprit finalement la parole, le souffle court :

- Je vous préfère silencieuse, mon amour.

A ces mots, il cessa de contempler la naissance de la poitrine de la femme pour mieux regarder par-dessus son épaule, adressant soudainement un regard complice au vide – ou du moins, à ce qui aurait dû être du vide. Là, dans le confort des ombres qui obscurcissaient la chambre, luisaient deux yeux obscurs eux aussi, teintés d’une fine couche de rouge : ils avaient, en vérité, l’exacte même couleur que ceux de Gearalt en cet instant précis.

D’un mouvement qui lui coûta une explication rauque de douleur, le Diable se redressa soudainement. Son bras gauche enveloppa la taille de Drusilla pour la garder contre lui, pendant que son membre s’enfonçait plus profondément en elle. Avec toute la tendresse amoureuse dont il était capable, il embrassa la peau de son cou, huma pour mieux se ressourcer de son parfum. Puis, alors que ses dents s’amusaient à distraire l’épiderme de son oreille, il souffla :

- Puisque ma chère femme désire jouer les putains, elle sera traitée comme telle.

De nouveau, des liens invisibles s’intéressèrent aux poignets de la démone et les forcèrent à se joindre dans son dos. Puis, la souveraine put sentir des doigts froids caresser son épaule droite, avant que ces mêmes doigts se referment sur sa gorge en une prise possessive. Cet autre Gearalt, fait d’ombres et de rancœur, se colla à son dos et passa cette fois-ci les mains sur la poitrine imposante de Drusilla.
Le véritable Gearalt mordit violemment la chair de son épaule en espérant la faire expirer un son, pendant qu’un troisième être issu de sa magie démoniaque glissait son membre presqu’invisible à l’oeil nu mais bel et bien rigide entre les lèvres de sa moitié littérale.


   

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La reine haïssait ces liens autant qu’elle les aimait. Lorsqu’ils s’enfonçaient au plus profond de la chair de ses poignets, elle ressentait toujours ce curieux mélange de haine farouche et d’amour violent. Elle subissait sans ciller la colère exceptionnelle de son époux ; digne et tumultueuse comme l’océan sous la tempête.

A sa menace, elle eut peur qu’il ne lui coupe la langue. Du temps de leur mariage humain, il lui avait souvent promis un tel châtiment si elle continuait à se montrer insolente. De fait ; elle n’avait jamais cessé. Lorsqu’il se redressa, une main sur sa hanche, elle le sentit plus profondément encore en elle. Elle geignit de satisfaction dans le creux de son oreille.

Les baisers qu’il déposa sur son cou la brûlèrent, littéralement. Ils étaient d’une douceur insoutenable face à l’offense qu’elle lui avait faite. Elle ne les méritait pas, et elle le savait. Elle voulut le repousser. Elle ne voulait pas de sa tendresse ; elle voulait sa colère. Elle voulait qu’il explose, qu’il la gifle, qu’il l’insulte.

L’insulte, justement, arriva. Elle l’accueillit d’un sourire fou.

«  Je n’ai jamais été une reine, mon Amour, toi même le savait lorsque tu as choisi de m’épouser plutôt que ma splendide sœur. J’ai toujours été la petite putain incendiaire qui un soir mit le feu à sa chambre et à ses cheveux par simple désir de vaincre l’ennui. Il est un peu tard pour te rendre compte la profondeur de mon vice... » lui répondît-elle en plongeant son regard maniaque tout au fond du sien.

Elle s’apprêtait à conclure en lui murmurant qu’au fond, ils avaient donc été la moitié l’une de l’autre dès leur vie humaine lorsque le membre fièvreux qui s’insinue entre ses lèvres la fit taire. Surprise, elle hoqueta.

Son regard perdit de sa colère pour se faire étonné. Comprenant la situation, elle se laissa faire, plus conquise que soumise par cette folie qui, rarement, comme c’était le cas ce soir là, dépassait la sienne.


   

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Le regard de Gearalt prit, pour la première fois depuis le début de ces retrouvailles, une allure plus dangereuse encore, car plus folle. Une démence comme seuls pouvaient connaître les amoureux assombrissait son sourire, lui donnait des airs de prédateur affamé. Cette expression prit une dimension supplémentaire lorsque, enfin, son souhait fut exaucé et qu’il décela dans la posture de Drusilla une véritable surprise. Croiser le regard de son épouse, seulement quelques secondes, lui fut bien suffisant.

Encouragé par la tournure que prenaient les événements, il remonta une main jusqu’à saisir par-dessous la chevelure épaisse et sombre de la souveraine, qu’il obligea à révéler sa gorge en lui imposant violemment de rejeter la tête en arrière. Ainsi, il permettait à son double de noirceur et de magie de s’insinuer plus profondément dans son gosier.
Revigoré par cette vision digne de ses fantasmes les plus grandiloquents, Gearalt accentua la pression de son étreinte charnelle jusqu’à pouvoir s’exprimer à voix basse tout près de son oreille :

- Je n’ai jamais voulu de ta sœur. Elle était tellement… Assommante. Une fille bien trop élevée, bien trop obéissante. Au fond, ce fut pour elle une chance que tu l’aies rendue si laide. Je me serais fait un véritable plaisir de la déniaiser, elle aussi.

Il conclut cette phrase par une claque sonore sur la fesse gauche de Drusilla. Dans le dos de cette dernière, ce troisième être qu’il avait modelé eut un ricanement en tout point similaire au sien. La douleur procurée par le venin de cette vipère démoniaque avait le mérite d’enflammer son imagination, tout autant qu’il avait la sensation que chacun de ses vaisseaux sanguins prenait feu. Conscient que sa conjointe ressentait les mêmes effets, et d’autant plus conscient qu’elle désirait provoquer sa colère, Gearalt donna son approbation à cet alter ego en inclinant brièvement le visage.

Brutal, il encouragea le corps de Drusilla à se soulever, avant de l’obliger à rencontrer de nouveau sa chair dans un claquement de peau contre peau, s’enfonçant en elle jusqu’à la garde. A l’instant même où ce bruit résonnait contre les murs, un autre claquement fusa dans l’air. Le diable usait en effet de ses pouvoirs pour flageller le dos de son épouse, s’amusant silencieusement du fait que certains humains s’étaient intéressés à cette pratique en tant que puissant aphrodisiaque et pertinemment conscient de la véracité de cette théorie dans le cas de sa souveraine.

   

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