Drusilla - Il n'y a pas de désir sans reine.

HISTOIRE ▬
Drusilla naquit dans un lit précieux et froid du XIIème siècle. Sa mère eut l'idée saugrenue de ne pas mourir en couche comme c'était pourtant l'usage à l'époque et l'éleva donc selon les préceptes catholiques en vigueur. Elle était une jeune fille noble et bien éduquée à qui l'on avait appris les arts du luth et de la broderie. Elle se plaisait à raconter, des décennies plus tard, qu'elle s'était beaucoup ennuyée lors de cet apprentissage : c'était faux. Elle avait adoré porter de lourdes coiffes, faire rougir les servantes en leur exposant les tissus mordorés dont elle se parait, plaire à son père en pinçant le luth durant des heures. Elle s'était complu dans la superficialité de son existence comme un vagabond se perd dans l'alcoolisme. Ivre d'oisiveté, elle s'amusa assez rapidement de l'effet qu'elle faisait aux soldats du château. Rendue cruelle par l'ennui, elle se plaisait à les séduire pour hurler à l'agression dès qu'un jeune naïf osait lui prendre la main. Les premières exécutions passées, ce divertissement lui sembla fade.
À quatorze ans, elle envisageait de faire subir le même sort à un proche conseiller de son père lorsqu'on lui présenta, par un hasard providentiel, celui qui deviendrait son futur époux : Gearalt de Saxe. Gearalt, de neuf ans son aîné, était promis à sa soeur Isaure. Isaure avait déjà 16 ans et deux splendides arguments en l'espèce d'une poitrine avantageuse et d'un rire éclatant et solaire. Drusilla vit là un jeu qui s'avérerait, c'était certain, bien plus divertissant que de faire accuser le conseiller favori de son père de gestes libidineux. Isaure était magnifique et, pire encore, heureuse. Il serait très amusant de détruire ces projets si naïfs. Aussi, elle entreprit très rapidement de déconstruire, pièce après pièce l'image de douceur que la belle Isaure proposait à Gearalt. Un jour qu'elle se promenait avec son futur époux, une vipère qui s'était étonnamment trouvée coincée dans la selle de sa jument la fit cabrer ; Isaure se retrouva projetée dans la boue. La pauvre jeune fille pleura toute la soirée d'être apparue pleine de boue devant son promis. Quelques jours plus tard,  le pavot glissé dans son assiette lui causa des vomissements insurmontables dont elle inonda la tablée. Elle passa toute une semaine à prier pour que le "mauvais oeil" la quitte. Pendant ce temps, Drusilla feignait le plus grande affliction et consolait du mieux qu'elle le pouvait cette soeur que le destin semblait tant avoir malmenée. Elle prévit le coup de grâce pour l'avant-veille de leurs noces. Alors qu'Isaure s'était endormie, elle s'approcha de sa chambre où elle glissa l'un des candélabres sous la tapisserie de sorte qu'elle ne prenne le feu. Les lourdes tentures du baldaquin s'immolèrent rapidement. Drusilla venait de prévenir la garde, lorsqu'on la saisit fermement par le bras. Gearalt l'avait vue entrer et sortir de la chambre de son aînée. Au lieu de se débattre comme une lionne, elle lui opposa un sourire prédateur et expliqua le plus calmement du monde :
"Je voulais juste que ses cheveux brûlent, pas la tuer. Et puis, vous savez... On s'ennuie terriblement, ici."
Loin d'être rebuté par ses motivations, il n'en fallut pas plus à Gearalt pour l'attirer quelques étages plus bas et reprendre la conversation avec elle. À l'aube, les noces du surlendemain était annulées et remplacées par celle de Drusilla et Gearalt. Isaure n'y fut pas conviée. Elle avait effectivement perdu sa chevelure dans l'incendie de son lit et la mariée ne souhaita pas que son écarlate laideur fasse jurer les compositions florales qu'elle avait choisies. 
L'union de Drusilla et Gearalt fut marquée par une grande férocité et une passion si fortes qu'on disait les pierres du château fendues par leurs ébats. Pourtant l'absence prolongée d'héritier commença à fragiliser leurs desseins. Très vite, la situation devint critique. Drusilla fit alors un choix inhumain : celui d'un pacte avec le diable. En l'échange d'un héritier, le diable leur laissa sa place, harassé par des siècles de guerres et épidémies.
Devenus les deux faces du Diable, le couple royal sévit durant des siècles. Gearalt se délectait de la création de conflit militaire lorsque Drusilla concoctait de nouvelles maladies dont elle inondait les populations. Ils prirent une place évidente dans le renversement opéré par les Nocturnes durant la Terreur, se désignant comme souverains naturels.