(terminé) [Merteuil & Cassiopeia] Or else hate me

La Reine de la nuit était une femme constamment occupée. Les vampires étaient un peuple fascinant sur lequel elle avait toujours aimé régner. Mais leur capacité à se reproduire en grand nombre, d’autant plus lorsque leur Soif devenait incontrôlable, en faisait un peuple qu’il fallait constamment surveiller, contrôler, et rappeler à l’ordre. Et ce, impitoyablement. Dans ce rôle, Cassiopeia était, selon l’avis général de ses sujets, terriblement efficace.

Et pourtant, il arrivait que certains enfants des Ombres continuent de préférer la dissidence à l’obéissance aveugle que la Dame leur imposait si généreusement. Parmi ces enfants, une en particulier retenait son attention. Sa propre infante et ancienne amante.

La visite du Seigneur Azazel avait eu le mérite de la dissuader de continuer à ignorer plus longtemps les trop grandes marques d’irrespect de la Marquise de Merteuil. Elle n’avait pas cru revenir si tôt en France après avoir rejoint sa demeure londonienne, mais il fallait vivre avec son temps et ses nécessités : en l’occurrence, corriger les enfants terribles et capricieux. L’esclandre de la vassale de Bretagne commençait à alimenter les rumeurs chez les autres vassaux et, pis encore, de ses sujets les plus communs.

Cassiopeia mit plusieurs nuits à atteindre Paris. Entre-temps, elle s’était attardée dans les provinces pour mieux jauger la situation de ses vampires sur les terres françaises et, notamment, en Bretagne. Le constat qu’elle en avait fait était… Déplaisant. Cruels, voraces, ses sujets étaient également terriblement peu organisés et manquaient de créer leur famine prochaine en consommant les humains imprudemment, inutilement. De quoi attiser le mécontentement de la Dame.

Arrivée à Paris, ce fut dans la discrétion la plus totale qu’elle attendit là encore quelques soirées avant de se rendre au nouveau domicile de la Marquise. Agir dans l’immédiateté aurait été… Préjudiciable. Son insupportable infante était désobéissante, une source de déception constante, mais elle lui était utile. L’occire après tant d’efforts pour châtier et corriger ses débordements aurait pour sûr assombri son humeur.

Finalement, la fille aînée des Ombres choisit une nuit de pleine Lune pour se rendre à l’hôtel particulier dans lequel résidait la française. Minuit venait à peine de sonner lorsque la vampire viola l'esprit de l’une des domestiques pour mieux l’hypnotiser. La chère petite vint lui ouvrir la porte, l’invitant dans un murmure à entrer. Ce fut sous forme de brume que Cassiopeia pénétra dans la demeure et suivit ses sens surdéveloppés pour trouver la chambre de Merteuil.

Là, elle réapparut, dans le dos de son infante. Peu dupe, elle sut que sa victime favorite avait perçu sa présence. La Dame ne perdit donc pas plus de temps et brisa le silence d’une voix soyeuse :

- Alors comme ça, tu ne m'aimes plus.

L’hôtel était silencieux depuis de longues heures. Le calme des lieux n’avait été perturbé que par les miaulements teigneux de Valmont qui protestaient vaillamment contre l’interdiction de faire ses griffes sur les épais rideaux qui occultaient les fenêtres. Harassée par son compagnon grincheux, la Marquise s’était réfugiée dans sa chambre.

Oh, bien sûr, Valmont s’était longuement lamenté face à la porte close. Il avait supplié, menacé, tenté de biens viles attaques contre le chambranle ; en vain. La Maquise n’avait pas cédé, l’ignorant avec habitude. Il avait fini par se lasser et était parti vers les cuisines où griffer les mollets d’Eden serait une distraction acceptable.  

La présence de l’édenté était moins dérangeante qu’elle ne l’avait cru. À dire vrai, il était même un invité bien plus respectueux et discret que Valmont. Pour l’instant, peu confiante, elle le gardait à l’œil. Elle était, inconsciemment, trop dépendante de l’avis de sa Créatrice pour considérer qu’il soit digne d’autre chose que d’une méfiance assumée. Elle avait cependant cessé de lui rappeler qu’elle le tuerait sans hésiter s’il faisait un pas de côté ; cela avait quelque peu détendu l’ambiance générale de la Discrète.

Cette nuit-là, Joséphine n’était pas là. Il lui fallait parfois rentrer. D’une part parce que la Marquise n’était -à son grand damn- pas encore sa seule cliente, d’autre part parce qu’il lui fallait reprendre des forces et renouveler ce sang si précieux dont elle raffolait. Les sens développés de la vampire repéraient encore son odeur sucrée sur certaines surfaces de l’hôtel ; c’était là une chose agréable. Il lui était difficile de comprendre pourquoi.

Elle était en train de lire, habillée -elle sortirait se nourrir d’ici quelques heures- dans un fauteuil profond lorsqu’une odeur, familière comme nulle autre, couvrit toutes les autres. Ses doutes étaient donc fondés. Depuis quelques jours déjà, elle sentait comme plus proche la menace éternelle qui pesait sur elle depuis leur rupture.

Un sourire étrange aux lèvres, la vampire se réchauffa au timbre froid et somptueux de cette voix. Elle ferma les yeux quelques secondes, le temps de goûter cet instant qu’elle avait longuement attendu. Ensuite, elle se leva.

Cassiopeia était saisissante, comme toujours. La beauté spectaculaire de son visage reptile l’émut. Sans plus attendre, la Marquise s’agenouilla, tête baissée.

« Ma Reine » la salua-t-elle sans ironie.

Pourtant, même dans cette position de dévotion profonde, la fierté presque démente de son sourire donnait à ses mots une connotation étonnante. Relevant la tête, elle répondit à sa question, feignant l’ignorance :

« De quoi parlez-vous, ma Reine ? Il me semble n’avoir jamais écrit pareille chose. Il aurait fallu pour cela que je vous aimasse un jour... Or nous savons toutes deux que ce temps là n’a jamais existé. »

S’il y avait bien un constat que la Dame devait faire, c’était qu’elle était terriblement exigeante et avide au sujet de la Marquise. Pour tous ses autres sujets, elle se serait contentée de cette posture de dévotion et se serait désintéressée aussi vite qu’elle était apparue. Pourtant, à fixer ainsi Merteuil, elle éprouva une profonde insatisfaction. Déjà, son imagination lui livrait d’exquises visions de son Infante, prosternée. Ou bien rampant jusqu’à elle en implorant son pardon dans toutes les langues qu’elle connaissait dans le maigre espoir d’apaiser, peut-être, la Maîtresse cruelle qu’elle était.

La française, de par son habituelle impertinence, relevait la tête. Ce geste déplut à Cassiopeia. Son grondement de Lionne fit vibrer avec avertissement les carreaux des fenêtres, tout le temps que mit la Marquise à s’exprimer.

Le silence qui s’éternisa ensuite entre les deux femmes n’en était que plus menaçant. Durant de longues secondes, la Dame resta silencieuse. Elle clama comme sien le fauteuil qu’occupait plus tôt la brune, et s’intéressa à l’ouvrage que celle-ci lisait avant d’être interrompue.

- Tu as la mémoire bien courte.

Elle posa le livre qu’elle feuilletait là où elle l’avait trouvé, avant de reporter l’intensité de son regard glacial sur l’autre vampire. De sa voix d’arrogante sévérité de Reine de la nuit, elle reprit :

- Ou le mensonge bien aisé.

Cassiopeia eut alors un sourire. Cette expression ne tint cependant que le temps d’un battement de cils. Ses sens surnaturels s’attardaient finalement sur les autres présences qui envahissaient ces lieux. Elle révéla l’aspect menaçant de ses crocs en une expression de dégoût.

- Cet endroit empeste l’humain et la lâcheté. Azazel disait donc vrai. Qu’espères-tu accomplir avec ce chiot, Ma Douce ? Commettre la même faute que ce traître pour mieux subir le même sort ?

En présence de son Infante, rester assise était insoutenable. Elle se releva donc, et approcha une nouvelle fois de Merteuil. Elle glissa une main froide sous son menton qu’elle saisit délicatement pour l’obliger à se relever, elle aussi. Cette proximité éveilla son appétit. La Dame retrouva alors son sourire, qui revêtait désormais des allures prédatrices.
Elle prit son ancienne amante par la taille et la fit se retourner avec cette même lenteur qu’elle savait être intimidante. Alors, elle s’appliqua à la dévêtir, couche après couche. A chaque centimètre carré de peau ainsi révélé, sa Soif s’intensifiait. Elle s’abstint pourtant de mordre avec sa froide retenue habituelle.

Ce ne fut que lorsque la Marquise fut intégralement nue qu’elle consentit à reculer d’un pas, pour mieux dévorer du regard ce corps qu’elle n’avait plus eu l’occasion d’admirer depuis un temps qui paraissait une éternité ou une seconde à peine, selon ses humeurs.

Alors que l’interrogatoire commençait, le sourire de la Marquise se fit plus victorieux encore. C’était donc bien pour cela que la Reine des vampires s’était déplacée. Comme se l’était imaginé sa création, elle avait été piquée par cet achat. Il était aisé d’imaginer la colère sourde avec laquelle elle avait reçu cette nouvelle ; qui plus est de la part d’un démon. D’un démon plein de charme, d’ailleurs, se remémora-t-elle.

Elle osa tourner le regard vers elle, dévorant des yeux cette pâle figure lunaire qui hantait ses nuits. Ne se laissant pas désarmer par sa beauté subjuguante, elle répondit avec respect :

« Oh, ma Reine, la présence de Gregory vous préoccupe donc ? Vous savez pourtant qu’enfant, je savourais toujours naïvement la présence de ces petits chiots frisés qu’on me permettait d’avoir lorsque j’étais sage. Père leur faisait limer les dents par peur qu’un d’eux me morde. J’y ai simplement vu une reconnaissance de ma conduite de votre part. »

Vicieusement, elle avait accentué le prénom de l’édenté d’un ton mielleux qui laissait sous-entendre quelque sympathie intestine.

Docile et calme, elle se laissa déshabiller sans dire un mot. Elle se sentait, paradoxalement, plus en confiance lorsqu’elle était nue. Ses armes étaient ainsi dévoilées aux yeux -sensibles, elle l’aurait juré- de Cassiopeia. Ses seins, découverts à l’air frais du soir, pointèrent aussitôt avec ce qu’on aurait pu prendre pour de l’insolence.

Son corps était tout entier similaire à celui qu’avait connu Cassiopeia, quelque temp plus tôt, à l’exception des deux marques mal cicatrisées qu’elle s’était infligées à la paume pour nourrir Gregory.

Merteuil n’était pas une vampire très consciencieuse. Elle était trop impulsive, trop brouillonne pour permettre une cicatrisation invisible de ses plaies. Aussi, elle mordait systématiquement Joséphine aux mêmes endroits (au sein, au niveau de la cuisse et à la cheville) pour éviter de multiplier les balafres.
Si elle avait été plus impliquée dans son propre vampirisme, elle se serait certainement demandée pourquoi elle ne mordait jamais le cou de la belle prostituée ; mais cela lui était égal.

« Vous avez fait la route depuis la Perfide Albion pour venir me faire furieusement l’amour, ma Reine ? Vous m’en voyez ravie. Il y a maintenant bien longtemps que je n’ai pas eu l’occasion de baiser du marbre froid » soupira-t-elle avec une sensualité exagérée.

La Marquise s’était en effet depuis prise au jeu de la chair chaude. Évidemment, cela ne supplantait pas l’intensité de ses ébats avec Cassiopeia mais cela avait une saveur différente. Et tout ce qui était, de près ou de loin, différent de sa Créatrice revêtait un charme particulier.  

Comme elle aurait aimé que la Dame des Sorcières soit présente. Alors, elle aurait pu échanger avec elle un regard complice, pour rire ensemble des mots employés par son Infante. Cassiopeia imagina la scène, et son expression s'adoucit. Elle était déjà pressée de raconter cette soirée à son amie. Si prochaine fois il y avait, elle provoquerait cette rencontre, se promit-elle.

- Ne te ridiculise pas davantage, Merteuil, la coupa-t-elle sèchement.

La présence de celui qui n'avait de vampire que la température corporelle avait cela de déplaisant qu'elle était pestilentielle. L'intérêt que pouvait avoir la française à abriter tel chiot lui échappait, mais lui importait peu. Ni lui, ni la délicieuse marquise ne représentaient une menace.

La nuit sublimait la beauté de Merteuil. Un souffle éteignit soudainement la faible lumière diffusée par l'unique candélabre de la pièce. Dans la pénombre, les yeux de Cassiopeia étincelaient comme si toute la chaleur dont le Soleil la privait se retrouvait dans ce regard d'alizarine.

A la dernière intervention de son ancienne compagne, ses crocs gagnèrent en longueur. De leur pointe commençait à émaner son venin terrible et fatal de vampire.

Sans plus d'avertissement, une gifle monumentale vint heurter la joue gauche de la Marquise. La Dame profita des instants qui suivirent pour combler la distance et saisir son infante à la gorge. Elle rapprocha son visage du sien et siffla, menaçante :

- Qui es-tu, pour prétendre recevoir de telles attentions de ta Reine ? Une simple vassale trop désobéissante pour prendre à cœur ses responsabilités. Peut-être bien devrais-je te priver de tes pouvoirs, toi aussi. Pour l'usage que tu en fais, ce serait à peine une perte.

Elle l'envoya à terre d'un geste brusque. Un grondement appréciateur trahit le plaisir qu'elle prenait à ces agissements. Prédatrice, elle garda son regard fixé sur la brune et continua, la voix plus claire et vibrante d'un amusement alarmant :

- Reste au sol. C'est là qu'est ta place, désormais. La solitude que tu as choisie te fait oublier ton éducation. Revoyons cela, veux-tu ?

Avec un calme apparent, elle s'accroupit, posant un genou à terre, auprès de son infante pour mieux contempler les traits de son visage. Sa main droite, ferme, plongea dans la crinière sombre de Merteuil. Elle usa de cette prise pour l'obliger à garder le visage joue contre terre. Avec une douceur fielleuse, elle reprit, près de son oreille :

- Enfant, tu devrais implorer mon pardon. Que dis-je, tu devrais même ramper jusqu'aux terres de l'Achéron anglais pour me supplier de t'accepter parmi les miens.

Malgré ses sens vampiriques démultipliés, notamment concernant sa vision nocturne, l’absence de lumière fit paniquer la Marquise qui déglutit. Fort heureusement, une gifle toute cassiopeienne la sortit de cette frayeur enfantine pour la fair basculer. Elle aurait sans doute aucun rejoint le sol de sa chambre si sa Créatrice ne l’avait pas saisie à la gorge, avec la délicatesse qui lui était coutumière.

Loin d’être effrayée -alors qu’il aurait fallu l’être, cher lecteur, nous nous entendons sur ce sujet- Merteuil éprouva une consolation divine grâce à cette gifle. Ce coup témoignait d’une colère très intime. Évidemment, Cassiopeia pouvait bien gifler tout le peuple de Londres si cela la divertissait, mais il était assez rare qu’elle prenne le temps de déshabiller et sermonner ses victimes avant tout cela. La chaleur qui irradiait de sa joue jusqu’à sa mâchoire était une sensation familière et réconfortante.

Elle n’osa pas répondre aussitôt au sermon de sa Créatrice, elle préférait pour le moment se bercer à ce ton de voix impérieux et furieux qui lui avait manqué.

Alors qu’elle s’apprêtait à relever vers elle un regard adouci par l’émotion que cette gifle lui avait procurée, elle fut envoyée au sol avec force. La remarque sur son éducation lui fit esquisser un sourire amer. Elle garda tout de même le silence, estimant trop risqué, dans cette posture, de renouveler la colère de son ancienne amante.

La prise de Cassiopeia dans ses cheveux la fit gémir ; pas seulement de douleur mais aussi de bonheur de se sentir ainsi saisie. Elle l’écouta, alors, avec une attention docile qui était très éloignée des emportements volages et hystériques dont la Marquise était coutumière.

Le regard fixé sur le vide et l’obscurité -elle voyait moins bien dans le noir que ses congénères plus expérimentés- elle laissa chacun des mots de sa Créatrice s’imprégner en elle.

« Ma Reine... » finit-elle par dire d’une voix étouffée par la prise mais vibrante d’impétuosité.

Elle eut l’idiot réflexe de rechercher son souffle.

« Permettez-moi de vous détromper : je n’ai pas oublié ce début d’éducation que vous avez abandonné. Vous semblez vous donner bien du mal et perdre bien du temps pour une simple vassale désobéissante. Cette éducation s’appuie d’ailleurs fort heureusement sur une autre, humaine, plus précise, de la géographie qui, en me donnant une vision plus érudite que la vôtre des mers européennes me permet de remettre en question la possibilité de ramper jusqu’en Angleterre... » conquise mais insolente jusqu’au trépas, elle se fendit d’une sourire terrible qui dévoilait ses canines.

La répartie dont fit preuve sa vampire lui arracha un sourire qu'un connaisseur de la psychologie cassiopeienne aurait qualifié de satisfait. Pourtant, son sourcil droit, légèrement relevé, trahissait ses pensées dubitatives. Sur le ton de l'évidence, elle reprit :

- Tu es une vampire, Merteuil... Tu ramperas par le fond des mers s'il le faut.

Ouvertement amusée par l'image de son Infante, se hissant à plat ventre sur le sable de la Manche, Cassiopeia amollit sa prise et relâcha son ancienne compagne. Ses crocs, s'ils apparaissaient dès qu'elle entrouvrait les lèvres, avaient néanmoins repris une taille raisonnable.

Avec lenteur, elle se releva. D'un tapotement du pied contre les côtes de la brune, elle invita celle-ci à se retourner sur le dos. Elle la surplomba alors avec une fierté malsaine et arrogante. Après quelques secondes de contemplation silencieuse, elle recula et regagna le fauteuil qu'elle avait quitté quelques minutes plus tôt.

Alors, elle se désintéressa de sa désobéissante vassale. Elle céda même une part de sa prestance en adoptant une posture plus détendue, son menton reposant au creux de sa paume. Pensive, elle fixait, à son tour, le vide. Venus d'ailleurs, des autres pièces de cette demeure, elle percevait des mouvements. Des respirations. Des battements de cœur et des odeurs. Si elle s'attardait sur ces perceptions, il lui semblait même se trouver dans la même pièce que ces humains qui s'activaient afin d'obéir aux directives de leur maîtresse. Il lui suffisait de peu d'imagination pour s'imaginer le gonflement des vaisseaux sanguins, ainsi que l'odeur alléchante et ferreuse du sang humain.

- Savais-tu que le cœur des vampires bat, en certaines occasions ?

Elle avait soufflé ces mots, avec une sérénité qui n'était pas sans rappeler l'humeur qu'elle se permettait d'afficher quelques années, quelques mois plus tôt. C'était là même un ton docte qu'elle avait employé à maintes reprises pour s'adresser à la Marquise et lui enseigner les subtilités et valeurs de leur espèce.

Finalement, Cassiopeia daigna diriger son regard vers Merteuil, intéressée par sa réponse.

L’idée de ramper par le fond des mers lui parut fort incongrue. Qui aurait voulu d’une vassale puant le mérou et le varech. Elle grimaça, donc, mais ne répondit pas. Cassiopeia n’était pas femme à subir l’insolence sur le long terme sans réagir.

Au tapotement familier de son pied, la vampire comprit et se retourna. Sur le dos, elle bénéficiait d’un point de vue particulièrement flatteur de la beauté de sa Créatrice. Effectivement, Cassiopeia était plus spectaculaire encore vue du dessous. Cet angle la magnifiait ; donnait à son auguste froideur un sérieux de statue d’airain.

Alors qu’elle rejoignait le fauteuil, elle laissa flotter dans l’air un parfum qui enivra Merteuil ; le sien.  Cette odeur familière et chérie couvrit peu à peu celle de Josie. Le musc et le sang étaient de bien fortes fragrances face aux notes sucrées d’une belle humaine.

À la question, elle ne put réprimer un petit sourire cynique. Elle prit son temps avant de répondre, feignant une surprise totale suivie par une réflexion studieuse.

« Oh, j’imagine que vous arrive à chaque fois que vous passez devant l’un des huit-cent portraits de vous-même dont vous décorez votre demeure, ma Reine... » souffla-t-elle du bout des lèvres.

La pique masquait le réel trouble qu’avait causé cette question. Bien sûr qu’elle le savait ; pour l’avoir expérimenté elle-même. Du moins, elle en avait été persuadée. N’était-ce pas le battement de son coeur qui pulsait dans ses oreilles à cet instant précis alors que, couchée sur le sol face à sa sévère propriétaire, elle contemplait sa cruelle splendeur ? Ou ses sens étaient-ils encore abusés part sa trop grande immaturité vampirique ?

Elle n’osa pas lui répondre honnêtement par crainte qu’effectivement il ne s’agisse là que d’une illusion héritée de ses habitudes humaines. Paradoxalement, elle se serait sentie honteuse d’exposer à ce point les manquements de son apprentissage à Cassiopeia.

La décevoir par ses nombreuses insolences était un plaisir sans nom ; par sa faiblesse vampirique serait inconcevable.

Pas une seule seconde elle n’envisagea que le coeur de la Dame ait vécu expérience similaire. Elle l’imaginait taillé dans l’onyx le plus sombre. Et le minéral, lui avait appris son éducation humaine très poussée, ne battait pas.

Bien qu’elle ne ressente pas le froid, elle remarqua que son épiderme dénudé s’était recouvert de chair de poule. Elle devina qu’il s’agissait là d’un phénomène dû à la simple présence de Cassiopeia et, avec son élégance naturelle, leva les yeux au ciel.

Si Cassiopeia avait entendu la remarque de son Infante, elle n’en laissa rien paraître. Tout juste daigna-t-elle plisser les yeux, fugacement. La dernière action de Merteuil ne lui échappa pas. Son sourcil droit se haussa légèrement. Pourtant, la vision de cette femme nue, allongée au centre de la pièce, était stupéfiante.

Attendrissante, même.

Ce fut dans un murmure, presque une caresse qu’elle répondit :

- Comment le saurais-tu, toi qui ne t’es jamais donné la peine de visiter ma demeure ?

Alors qu’elle prononçait ces mots, le coin droit de ses lèvres s’était relevé. La vampire paraissait  plus amusée que contrariée par ces faits. Elle releva le menton, pour mieux observer le visage de sa tourmentée favorite.

Une forme d’humour sombre teintait son sourire soudain. Le bleu de ses yeux n’en parut que plus menaçant.

- L’exaltation produit ce phénomène. La Soif, lorsqu’elle est impérieuse et que nous devenons incontrôlables. La jalousie possessive, la colère noire, les caprices, l’orgasme, les bonheurs intenses… Le cœur réagit à tout cela, mais chacun des membres de notre espèce possède une sensibilité qui lui est propre. Autant d’émotions fortes, dangereusement insoutenables pour tout vampire qui ne connaît pas la maîtrise de soi.

Sur cette fin de phrase, Cassiopeia eut envers son Infante un regard lourd de sens. Son étrange amusement revint cependant adoucir les traits de son visage, et ce fut d’une voix plus suave qu’elle continua :

- Il existe cependant une unique occasion en laquelle le cœur de tout vampire s’anime. Lorsque nous mordons notre proie, notre cœur adopte les mêmes battements que les siens. Nombreux sont ceux qui l’ignorent, trop enivrés qu’ils sont par l’affolement de leur victime. Les battements des deux cœurs se confondent, ne deviennent qu’un. Quelle intimité, en vérité.

Elle se tut ensuite, quelques longues secondes. Ces connaissances partagées lui rappelèrent la nuit où elle avait fait la connaissance de Merteuil. La même nuit où elle l’avait tuée. Jamais auparavant n’avait-elle rencontré humaine aussi… Enthousiaste face à sa propre mort. Douce avait été immédiatement sienne, et en cela elle avait été la plus savoureuse de ses victimes. En sa présence, elle percevait toujours un faible battement de cœur qu’elle parvenait parfois à intensifier de par ses gestes et ses mots.

Ces souvenirs assombrirent son regard et rigidifièrent sa posture. Son expression devint plus dure.  Elle dévisagea son ancienne amante, puis d’une voix glaciale s’exprima ensuite :

- Lève-toi. Va chercher l’une des lames que tu possèdes. Entaille-toi le poignet, et approche.

Cassiopeia était, sans doute possible, la créature la plus cruelle qui existât. Les sorcières étaient féroces dans l’intimité, les démons dans les masses. Cassiopeia, pour sa part, faisait preuve d’un sadisme à nul autre pareil sur les deux plans. C’était une chose digne d’admiration ; ou, pour le moins, de respect.

Mais ce n’était pas ce constat, évident même pour des intelligences plus communes, qui l’avait attachée à elle dès les premiers échanges qui avaient été les leurs. C’était une chose plus rare et précieuse encore qui avait plu à la Marquise : son répondant.

Adolescente déjà, Merteuil cultivait une pratique très acerbe du verbe et de la répartie. Au cours de ses deux existences, elle n’avait rencontré personne dont la langue fut assez aiguisée pour faire taire la sienne. Et puis, Cassiopeia était arrivée, une nuit, et l’intelligence de sa conversation avait marqué son coeur au fer rouge.

Aussi, la réplique la fit sourire, dévoilant ses canines juvéniles et pointues comme celles des fauves immatures.

Elle l’écouta parler du coeur des vampires avec une attention studieuse, se replaçant inconsciemment dans une posture apprenante qu’elle n’avait plus eue depuis bien longtemps. Son ignorance sur le sujet aurait pu la faire prendre conscience d’à quel point elle se connaissait peu elle-même. Malheureusement pour elle, Merteuil ne se posait pas ce genre de questions. Seule l’intéressait la perspective de rendre les périodes où Cassiopeia et elle ne s’affrontaient pas plus supportables.

Elle allait lui poser une question lorsque la Dame des Vampires la coupa pour lui donner des ordres. La Marquise accueillit la consigne avec une moue boudeuse. Après lui avait signifié toute l’intimité inhérente à l’acte de mordre, lui ordonner de se couper elle-même relevait de la sanction.

De mauvaise grâce, elle se leva et épousseta ses épaules. Elle prit le temps de remettre en place sa chevelure, ébouriffée par la gifle et les saisies de Cassiopeia. Elle consentait sans problème à s’entailler le poignet, certes, mais pas à avoir l’allure d’une pauvrette.

Offrant à l’œil perçant de sa Créatrice le spectacle vulnérable de sa nudité, elle se pencha sur le lit, cambrant volontairement la croupe, et saisit une lame sous l’oreiller. Il s’agissait d’un petit poignard dont la lame d’obsidienne noire semblait absorber la lumière plus qu’elle ne la reflétait. La simple présence de l’objet sembla renforcer l’obscurité de la pièce.

Sachant les préférences de Cassiopeia, elle s’agenouilla face à elle avant de s’infliger une entaille de quelques centimètres sur le poignet. La coupure la fit gémir.

La tête baissée, elle présenta ses deux paumes à la Dame des vampires. L’une commençait à accueillir le sang qui coulait de son poignet, l’autre portait le poignard dont la lame était souillée de rouge.

La réticence de Merteuil à lui obéir détendit les plis entre ses sourcils. Plus encore, l'obéissance muette et résignée de son Infante lui plut. Les instants qu'elle passait en compagnie de son ancienne amante étaient toujours incertains. La française pouvait être aussi obéissante qu'insolente, et jonglait entre ces deux attitudes avec une aisance et une irrégularité déconcertantes.

Les quelques petites précautions que prenait la Marquise l'amusèrent. Il s'agissait d'autant de manières de retarder l'exécution de ses ordres, et d'autant plus de secondes passées à éprouver les limites de sa patience. Ce subtil mélange de dévotion et de résistance était ce qui rendait la jeune vampire particulièrement attirante aux yeux de Cassiopeia, et ce depuis la délicieuse nuit de leur rencontre. Rares étaient les êtres vampiriques suffisamment braves pour assumer leurs sentiments les plus négatifs face à leur reine. Or, son Infante favorite suintait la noirceur et l'instabilité émotionnelle, ce qui ne la rendait que plus délicieuse.

L'intention avec laquelle sa vassale se pencha sur le lit allongea un peu plus ses crocs prêts à mordre et pourtant dissimulés derrière ses lèvres closes. Fort heureusement pour la chair de la Marquise, la lame qu'elle révéla retint suffisamment l'attention de la Dame pour la distraire de ses cruelles pensées. C'était un objet captivant, duquel elle ne détacha pas le regard y compris lorsque la plus jeune s'en servit pour s'entailler le poignet.

Le parfum unique du sang de Merteuil lui fit clore les paupières. Le gémissement de sa vampire l'irrita, mais eut le mérite de lui faire ouvrir de nouveau les yeux pour lui adresser un regard sévère et réprobateur. Sa poitrine vibra d'appréciation lorsqu'elle découvrit la posture adoptée par son ancienne compagne.

D'une main glaciale et pourtant ferme, elle saisit le poignet indemne de toute entaille. Elle le guida jusqu'à elle et, penchée, huma de plus près le sang qui souillait la lame d'obsidienne. Alors que son regard regagnait son apparence monstrueuse, la pupille fendue comme celle d'un félin, Cassiopeia fit glisser sa langue le long de cette lame afin de récolter ce précieux liquide. Sa poigne en devint d'autant plus cruelle, pendant que son être entier vibrait sous l'effort déployé pour ne pas démembrer son Infante et ne pas se repaître de sa chair et de chaque goutte de son sang.

- Où t'es-tu procurée ce poignard ? interrogea-t-elle soudainement de sa voix autoritaire tout en se redressant.

Son contrôle soigneusement mis en place, la Dame s'intéressa cette fois-ci à l'autre poignet de Merteuil et referma les doigts sur l'entaille. De sa main libre, elle recueillit sur l'index le sang qui s'écoulait le long de la peau d'albâtre de la jeune vampire, avant de porter ce même doigt à ses lèvres avec une gourmandise prédatrice.

La Marquise se sentit profondément flattée, honorée, même de l’appétit avec lequel sa Reine la goûtait. Le simple fait que Cassiopeia assimile son sang avait eu sur la Marquise un effet magique terrible. Elle le sentait dans sa peau, dans son sang et dans son coeur.

Cette reconnaissance muette d’être appréciée pour le goût de son sang la plongea dans un état de docilité plus profond  et humide encore dont elle eut honte. 

Elle eut l’envie violente d’embrasser Cassiopeia. À mesure que sa présence s’habituait à la sienne, l’influence de la vampire millénaire reprenait le dessus. Le regard que leva la vassale vers elle était contrit, plein d’une soumission tendre qui faisait briller ses iris.

Vaincue, elle répondit à sa question d’une voix douce :

« Je l’ai volé sur un marché aux objets humains. Après la mise à sac de certaines demeures humaines, il y a eu de grands marchés où on a vendu le mobilier, en même temps que leurs propriétaires. C’est toujours très festif. Une sorte de liesse populaire générale. Je l’ai vu et… Je l’ai pris. C’est une vilaine habitude que j’avais déjà enfant. Lorsque vous ne vivez pas dans le besoin, le vol a une saveur… Particulière. »

Elle avait confessé cela sans l’habituelle insolence qui égaya son babillage heureux. Elle ne semblait cependant pas s’en vouloir le moins du monde d’avoir volé un frère vampire sur son propre étal. Elle n’éprouvait toujours pas pour ses semblables cette filiation si forte que Cassiopeia tissait entre eux.

Dévorant des yeux la stature impressionnante de la Reine des vampires, la Marquise roucoula :

« Je vous l’offre, si vous le voulez. Je peux même vous en voler un plus beau encore. Il y a un magasin d’antiquités à quelques arrondissements d’ici. Ils ont une épée splendide, accrochée au mur. La lame est noire comme celle-ci. Si vous la voulez, j’irai la voler. »

Ces étranges propositions avaient valeur, dans la bouche de la vampire, de véritables déclarations de servitude. Agenouillée devant sa Reine, elle attendait sa réponse comme une chienne à l’arrêt, prête à bondir au moindre geste sur une proie désignée.

La réponse offerte par sa vassale augmenta l’intensité de sa Soif. La Marquise faisait preuve d’une honnêteté qui la rendait attirante et délicieuse. Les doigts de Cassiopeia appuyèrent plus cruellement sur l’entaille en réaction à ses propos. Non pas par punition, mais par satisfaction. La cruauté était une attitude que la Reine des Vampires récompensait.

Cette fois-ci, ses lèvres acceptèrent de toucher la peau de Merteuil. Elle gratifia la blessure d’un long baiser, avant de laisser sa langue surgir de nouveau pour récolter à la source ce sang qui les liait toutes deux plus efficacement que la moindre déclaration.

Lorsque, après quelques secondes, elle se redressa, le sang continuait d’apparaître à la surface de l’épiderme. Pourtant, après quelques dizaines de secondes supplémentaires, la peau continua à se refermer, doucement. Durant ce temps, Cassiopeia porta ses doigts à la bouche de son infante et ordonna :

- Nettoie.

Elle l’observa faire avec une satisfaction qui assombrissait son regard monstrueux. Sa bouche et ses contours conservaient les traces du sang de sa vampire, ce qui lui donnait un air féroce alors même que ses crocs étaient dissimulés derrière ses lèvres closes.

Après quelques instants d’observation minutieuse de la nocturne à ses pieds, la Dame se redressa véritablement et ôta ses doigts de la bouche de Merteuil.

- Garde-le. Il me plaît de l’imaginer entre tes mains. Dis-moi, te sert-il à malmener la chair commune des proies que tu gardes sous ce toit, ou celle des vampires indisciplinés que tu recueilles si généreusement ? Questionna-t-elle sur un ton moqueur.

La posture adoptée par la Marquise était grisante. C’était là une vision qui aurait mérité de se retrouver immortalisée en tableau. Le temps de quelques secondes, Cassiopeia songea sérieusement à faire venir l’un de ses peintres sous ce toit afin que sa volonté soit exaucée. Elle changea néanmoins d’avis après quelques instants de contemplation supplémentaire, estimant qu’aucun peintre ne saurait reproduire la servitude étrange de son infante.

La Dame eut un sourire mauvais. Avec une délicatesse dangereuse et menaçante, elle saisit entre ses doigts le menton de Merteuil. Elle le releva afin de s’assurer de l’attention de sa vampire, imposant une proximité douloureuse entre leur visage. De nouveau, elle laissa le temps s’étendre jusqu’à ce que la tension qui s’installait lui convienne, dévorant des yeux la française.

Ses lèvres imposèrent leur voracité à celles de son infante. Elle l’embrassa, longuement, lui permettant de goûter son propre sang en joignant sa langue à la sienne.

Ce même sourire étrange et cruel étirait ses lèvres lorsqu’elle mit fin à ce baiser. Ses doigts dérivèrent jusqu’à saisir la gorge de la brune afin de la rapprocher une nouvelle fois.

- Je la veux. Et tu la paieras pour moi. Généreusement.

Avec une douce habitude -de celle des rituels- la Marquise lécha les longs doigts de pianiste de la Reine des vampires. Son propre sang avait une saveur très réconfortante. En tant que vampire immature et caractérielle, elle était très sensible aux saveurs qu’elle connaissait et qui l’apaisaient.  Aussi, ce geste continua de la calmer doucement.

Le fait d’obéir participait de cet apaisement temporaire. Elle se sentait à sa place. Elle se demanda s’il y avait de la jalousie dans les questionnements de sa Reine.
Evidemment, il était inconcevable de le lui demander. Elle ne récolterait au mieux qu’une gifle, au pire qu’une moquerie cruelle. Cependant, un mince sourire, satisfait, étira ses lèvres avant qu’elle ne prenne la peine de lui répondre.

« Je ne joue pas avec le chiot, Reine. Il est assez repoussant et sent fort la haine refoulée. Je me sers de cette lame pour m’amuser avec ma jolie putain.  » répondit-elle avec une honnêteté et une simplicité désarmantes.

Les baisers de Cassiopeia étaient toujours trop rares. Aussi, la Marquise savoura celui-ci avec une avidité similaire à celle qu’elle aurait eue face à son sang. D’ailleurs, elle sentait ce précieux nectar, dissimulé dans les veines capillaires fines de ses lèvres.
Elle aurait pu y planter un croc mais cela aurait été s’exposer à un châtiment qu’elle ne voulait pas même prendre le risque d’imaginer. Elle se reprit, difficilement.

Lorsque le baiser prit fin, elle eut un hoquet de manque. Ses lèvres cherchèrent encore celles de Cassiopeia, comme une asphyxiée chercherait l’air et la pitié dans les yeux de son étrangleuse.

« Reine, votre peau manque bien trop cruellement à mes lèvres… L’en priver ainsi est odieux.  » reprocha-t-elle d’un ton qui n’était amusé qu’à moitié.

Elle se concentra alors sur l’ordre de sa Maîtresse et hocha lentement la tête. Elle aurait préféré la voler. Peut-être ne la paierait-elle tout de même pas, d’ailleurs.

Le risque qu’elle prendrait à voler un confrère n’était-il pas un cadeau aussi précieux, en soi ? Cela rendrait son sang plus savoureux encore pour les papilles expertes de Cassiopeia. Elle se fâcherait, peut-être, mais cela n’était au fond qu’une perspective excitante supplémentaire.

 

La réponse de Merteuil ne lui plut pas. Pour autant, elle ne lui déplut pas.

Cassiopeia arqua un sourcil. Le coin droit de sa bouche se releva, en une étrange expression songeuse et… Satisfaite. Presque appréciatrice.

Le rejet de sa vassale au sujet de ce vampire renié dont elle ne s’était jamais souciée de connaître le nom était rassurante. La Marquise était infâme, capricieuse et odieuse. Mais elle ne manquait pas de goût. Qu’elle se soit entichée d’une catin était une aberration, mais cela n’était pas surprenant. Les plaisirs de la chair étaient néanmoins la faiblesse que la Dame pardonnait avec le moins de cruauté.

- Louison possède cette putain, n’est-ce pas ? Je lui soumettrai l’idée d’exhiber cette talentueuse fille du Soleil dans l’un de ses prochains projets de représentation, afin que je puisse mieux comprendre cet attachement grotesque. A moins que je lui rende moi-même visite, pour mieux juger ses talents ?

Tout le temps qu’elle prononçait cette phrase, ses sens s’étaient attardés sur les subtils indices de présence de cette prostituée qui s’attirait si efficacement les faveurs des Nocturnes. Ses crocs prirent une allure menaçante à mesure de son observation. Le parfum de la putain, qu’elle devinait sous celui de son Infante. L’odeur de son sang, qui semblait émaner du lit. Sur l’oreiller, quelques cheveux trop clairs pour appartenir à la propriétaire des lieux. Au-delà des souvenirs et des pensées de son Infante, sa propre imagination lui servit le délicieux tableau des ébats de sa vampire et de l’humaine.

Là encore, elle n’apprécia pas. Et pourtant, cela ne lui déplut pas totalement.

La Vampire interrompit son inspection silencieuse suite au reproche prononcé par la brune. C’était ainsi que Cassiopeia la préférait. Sincère. Insolente. Et sienne.

Avec une douceur et un calme déstabilisants, la reine des vampires répondit :

- C’est pourtant là le sort auquel tu t’es toi-même condamnée. Mais tu apprendras vite à regretter cette décision.

Sur ces mots, elle se redressa pleinement. Elle lui permit d’un geste de la main d’en faire autant.

- Lorsque ta Reine et sa peau te manqueront réellement… Tu sauras me trouver. Pour ce qui est de cette épée… Lorsqu'elle sera en ta possession, confie-la à Louison, puisque le Palais des Plaisirs te plaît tant.

Sur cette dernière phrase, la Dame s’était vicieusement insinuée dans l’esprit de son ancienne compagne. Elle établit son emprise sur les capacités de décision de Merteuil, sur sa volonté également. Puis, d’une voix sensuelle et chargée de son pouvoir vampirique, prononça un dernier ordre :

- Dors, maintenant.

Elle disparut sur ces derniers mots.